«Je suis très remonté et je souhaite que les travaux réalisés soient régularisés, c’est pour cela que j’ai mis l’établissement en poursuite» Olivier Maurer, directeur de la société Ideal Confort
Après cinq ans de travaux et 100 millions de francs investis, l’hôtel lausannois Royal Savoy a ouvert ses portes au mois de novembre dernier. Problème, de nombreuses entreprises de la région n’ont pas été payées et ont mis l’établissement en poursuite.
Selon l’extrait de l’Office des poursuites du district de Lausanne que nous nous sommes procuré, la situation est inquiétante. Le montant total des créances envers la société anonyme de l’hôtel Royal s’élève à plus de 2,8 millions de francs.
De fortes pressions
Fatigué d’attendre le règlement de sa facture, Olivier Maurer, directeur de la société Ideal Confort à Yverdon, est l’un des derniers créanciers à avoir franchi le pas: «Ma société a été mandatée pour tout ce qui concerne l’aménagement des cuisines des suites, ce chantier a été totalement rocambolesque tant sur le plan organisationnel que financier. Nous avons déjà consenti un effort particulier sur les prix et nous nous sommes pliés en quatre pour eux et, au final, on nous laisse une ardoise de plus de 30’000 francs! Je suis très remonté et je souhaite que les travaux réalisés soient régularisés, c’est pour cela que j’ai mis l’établissement en poursuite.»
Olivier Maurer n’est de loin pas un cas isolé. Henor Podrimçaku, directeur de l’entreprise lausannoise ProRénovation Léman, fait également partie des personnes lésées: «Ce chantier a clairement mis la prospérité de mon entreprise en difficulté, actuellement nous avons un impayé de plusieurs milliers de francs, la reprise après les fêtes de fin d’année est très difficile. La gestion des travaux a été très mal menée et l’impact sur les entreprises est réel. Les procédures sont longues et je subis de fortes pressions.»
Et de l’exaspération
Tout au long de notre enquête, nous avons contacté des dizaines d’entreprises. Toutes confirment la difficulté de mener à bien certains travaux sur le chantier du Royal Savoy. Certaines, encore en attente du règlement d’une facture, soulignent aussi leur peur d’entamer des démarches légales de recouvrement de leur créance. Mario(*), jeune entrepreneur de la région lausannoise, ne souhaite pas que le nom de sa société soit rendu public, mais il confirme son exaspération: «La gestion de ce chantier a tout simplement été scandaleuse. Il y a des dizaines de sociétés qui ont été traitées comme des moins que rien. L’hôtel peut se gargariser dans la presse de la beauté des lieux ou de son restaurant, mais l’envers du décor est bien moins reluisant. J’ai travaillé pendant des mois et ils me doivent beaucoup d’argent, je n’ai pas eu d’autres choix que de les mettre en poursuite, car ils nous mènent en bateau!»
La direction minimise
Du côté de l’hôtel, on tente de minimiser l’ampleur du mécontentement. Après des dizaines de coups de fil, nous avons pu joindre Bruno Schöpfer, directeur de Katara Hospitality Switzerland, l’antenne helvétique du propriétaire qatari de l’hôtel. Il confie ne pas être spécialement inquiet: «Pour un chantier qui dépasse les 100 millions de francs, ces réclamations de la part de certaines entreprises ne sont pas exceptionnelles. Mais nous sommes cependant en train de trouver des solutions - et nous allons les trouver - pour régler ceci.»
Selon la direction de l’établissement, des poursuites peuvent donc s’apparenter à de simples réclamations. De plus, lorsque l’on s’attarde sur l’extrait des poursuites, on se rend compte que la créance la plus ancienne remonte à… 2012. Il est donc légitime de douter de la véritable volonté de régler ces conflits au plus vite. Pendant ce temps pourtant, les différentes entreprises impactées par cette situation se retrouvent dans une position délicate et doivent faire face à un sérieux problème de liquidités.
(*) nom connu de la rédaction