Traque aux dealers - La police maintient la pression

- Depuis un mois, la police lausannoise maintient la pression sur les dealers et multiplie les patrouilles.
- Haut lieu de trafic, la place Chauderon retrouve peu à peu son calme d'antan. Passants et commerçants sont ravis.
- Trop tôt toutefois pour crier victoire: les dealers ont abandonné le centre, mais ils demeurent actifs dans les rues adjacentes.

  • Un mois après l'impressionnante descente de police organisée à la place Chauderon, les forces de l'ordre maintiennent la pression sur les dealers.  PHOTOS - Valdemar VERISSIMO

    Un mois après l'impressionnante descente de police organisée à la place Chauderon, les forces de l'ordre maintiennent la pression sur les dealers. PHOTOS - Valdemar VERISSIMO

REPORTAGE • Poste de police du Flon, mercredi 28 novembre dernier, 13 heures. Lionel, Simon et Alexandre, tous trois rattachés à l'unité Proximité, Partenariats et Multiculturalité de la police lausannoise, s'apprêtent à entamer leur patrouille quotidienne. Leur mission essentielle en ce jour pluvieux et froid: traquer les dealers, dans un périmètre compris entre la place de la Riponne et l'Esplanade de Montbenon, St. François et la place Chauderon. Surtout la place Chauderon et ses rues adjacentes, là où, il y a tout juste un mois, quelque 150 policiers avaient lancé une gigantesque opération anti-drogue qui avait permis l'interpellation d'une cinquantaine de trafiquants présumés. Depuis, les forces de l'ordre maintiennent tout particulièrement la pression sur le quartier. Dans un but évident: déstabiliser le commerce de la drogue, éviter le retour en masse des dealers et rassurer les commerçants et la population.

Être visible

Avant d'entamer sa tournée, Alexandre, le chef de groupe, enfile un gilet pare-balles. «Un réflexe, lance-t-il décontracté. Nous n'avons pas d'obligation légale d'en porter un dans ce type d'opération, mais j'en ai pris l'habitude. On ne sait jamais. Mieux vaut prévenir que guérir!» Ses deux acolytes acquiescent d'un mouvement de la tête. Tous trois quittent alors le poste, se dirigent vers la tour Bel-Air, puis empruntent la rue des Terreaux. Beaucoup de passants en ce début d'après-midi, mais tout semble calme. «Notre rôle, c'est d'être visibles, de nous montrer, explique Alexandre. Nous sommes là d'abord pour rassurer.» Ce qui n'empêche pas le groupe d'agir. A la hauteur de la Maison du Peuple, première interpellation en douceur, celle d'un ressortissant africain souvent aperçu dans les parages. Fouille en règle de son sac, contrôle de son identité. Quelques minutes plus tard, l'homme est relâché. Il n'a visiblement rien à se reprocher même si, dès que les agents ont tourné le dos, il se dépêche de lancer un appel avec son portable. «Il est possible qu'il ait averti quelqu'un de notre présence, note Alexandre. Depuis que nous patrouillons régulièrement dans le secteur, les dealers ont plutôt tendance à faire leurs petites affaires dans les rues adjacentes et utilisent des comparses qui les avertissent de notre arrivée.»

Retour au calme

Quelques mètres plus loin, alors que les trois hommes se trouvent dans le passage souterrain un peu glauque qui relie la rue des Terreaux à la place Chauderon, c'est une vieille dame ravie qui s'adresse à eux : «Merci pour ce que vous faites! Depuis que vous êtes là tous les jours, je n'ai plus peur de prendre ce chemin.» Puis, ce sont deux Securitas qui viennent leur serrer la main. Des «collègues» en quelque sorte qui, depuis le début du mois d'octobre, ont pour mission de surveiller les alentours et de les alerter le cas échéant.Arrivés sur la place Chauderon, c'est un commerçant qui, à son tour, interpelle le groupe: «Bravo! Enfin, on respire. Il était temps.» La présence régulière des forces de l'ordre dans le quartier semble fort appréciée. Dans tous les cas, ce jour-là, la place est presque vide. Pas de trace apparente d'un trafic quelconque. Encore moins dans le petit parc de la Brouette, coincé entre l'avenue d'Echallens et celle de Morges, qui était devenu ces derniers mois un autre lieu de trafic. «Depuis que nous avons mis la pression, on a parfois l'impression de jouer au chat et à la souris, explique encore Alexandre. Mais il ne faut pas se leurrer. Les caches ont disparu, aujourd'hui il n'y a pas trace apparente de deal, mais il se fait ailleurs, aux alentours, dans les rues adjacentes.»

Interdit de séjour

Comme pour lui donner raison, un automobiliste s'arrête alors à côté des policiers et les interpelle. «Là, juste en dessus, je viens de voir deux individus qui s'échangeaient drogue et argent.» Petite montée d'adrénaline: le groupe se scinde en deux et finit par coincer un autre ressortissant africain. Nouvelle fouille: l'homme n'a pas de drogue sur lui, mais ses papiers ne sont pas en règle et il s'avère qu'il est interdit de séjour sur territoire vaudois. Les policiers l'emmènent au poste. Fin de la patrouille, mais dans une petite heure, une autre prendra la relève.

 

La Suisse: un pays de consommateurs

PK • Une étude sur les eaux usées de villes européennes publiée au début du mois d'août dernier montrait que la Suisse était devenue un véritable eldorado de la cocaïne et que Berne, Genève et Zurich (Lausanne n'a pas été testé, mais on peut imaginer une logique identique) détiennent la plus haute consommation par tête au niveau européen, à égalité avec de grands centres urbains des Pays-Bas ou de Belgique. De son côté, a police fédérale estime pour sa part entre 3,7 et 5,3 tonnes de cocaïne ingurgitées en Suisse par année qu'elle compterait quelque 30'000 consommateurs réguliers et 40'000 occasionnels.Pas étonant dès lors que les trafiquants s'y complaisent. Surtout que, si la loi est adapté pour les gros trafics, puisque le maximum est de 20 ans de peine privative de liberté, il ne l'est pas pour le petit trafic, en raison du système des jour-amende qui n'est pas dissuasif et reste totalement inefficace.