Vidéosurveillance: un gadget pour rassurer?

- De plus en plus de communes vaudoises s’équipent de caméras de vidéosurveillance.
- Des sommes colossales sont dépensées alors qu’aucune étude ne démontre leur réelle efficacité.
- Paradoxe, certains élus continuent de vanter les mérites de cette pratique. Par souci électoraliste?

  •   A lausanne, les caméras de surveillance sont partout, comme ici Place de l'Europe. CHARAF

    A lausanne, les caméras de surveillance sont partout, comme ici Place de l'Europe. CHARAF

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    A lausanne, les caméras de surveillance sont partout, comme ici Place de l'Europe. CHARAF

«Après les premiers mois d’utilisation, les caméras perdent vite leur efficacité préventive»» Francisco Klauser, professeur à l’Université de Neuchâtel

Les caméras sont partout. Sur le toit des banques, dans les espaces publics, à proximité de certains bâtiments! Il suffit de se balader dans le canton pour découvrir qu’elles poussent comme des champignons.

A Echallens, par exemple, on a décidé de suivre cette tendance et de sortir le portemonnaie. «Nous avons acheté quatre caméras dont une mobile», se félicite Jean-Luc Grillon, municipal socialiste en charge de la sécurité. «Au total, nous avons dépensé 47’000 francs.» De l’argent public qui serait rudement bien utilisé à en croire le municipal.

Le problème, c’est qu’aucune étude en Suisse ne démontre l’efficacité de cette installation.

Des visions opposées

Mathieu Blanc, député vaudois PLR et fervent partisan de la vidéosurveillance, n’en démord pourtant pas: «Je préfère l’idée de prendre une mesure pour rendre plus difficile l’activité des délinquants que de ne rien faire. Mettre des caméras, ce n’est pas la panacée, mais c’est un premier pas vers davantage de sécurité. La ville de Lausanne devrait en mettre davantage, car il existe des rapports qui prouvent le lien entre vidéosurveillance et élucidation des délits.»

Mathieu Blanc a raison, il existe une étude menée par le Ministère de l’Intérieur français et publiée en juillet 2009. Que dit-elle? Le contraire! Les taux d’élucidation des délits progresseraient plus vite dans les communes qui n’ont pas de caméras et les atteintes aux personnes y seraient moins nombreuses.

Francisco Klauser, professeur à l’Université de Neuchâtel, a réalisé de nombreux travaux en lien avec l’efficacité de la vidéo-protection. Il se montre également critique face à la pose massive de caméras: «Après les premiers mois d’utilisation, elles perdent vite de leur efficacité préventive. Elles peuvent aussi engendrer des problèmes de déplacement de la criminalité. Et puis, la population préfère quand-même une présence policière à la technologie.»

Coût important

Malgré ces conclusions, les élus français, mais aussi suisses, continuent pourtant de vanter les qualités de la vidéosurveillance. Les installations se multiplient. Dans le canton, le coût global estimé de leur achat et installation s’élève à plus de 1,2 million de francs, à charge des collectivités. Il y a actuellement 104 caméras placées par les communes et ce chiffre ne cesse de croître comme nous le confirme Mélanie Buard, préposée à la protection des données et à l’information: «Les demandes de communes pour s’équiper de caméras ne faiblit pas. Nous ne refusons généralement pas ce type d’installation, mais nous proposons parfois des modifications quant au lieu choisi ou aux horaires de surveillance.» Un constat que fait également Raoul Richiger, directeur de la société Suisse-Alarme: «Nous travaillons régulièrement avec les administrations publiques. Elles nous demandent de nouvelles installations ou parfois une modernisation de celles qui existent déjà.»

A dose modérée

En ville de Lausanne, on a fait le choix d’une surveillance mesurée: «Il y a surtout des caméras aux abords de certains bâtiments dans le but d’identifier des auteurs de délits», précise Anne Plessz, porte-parole de la police lausannoise. Une approche tout en nuance qui est aussi celui de Béatrice Métraux, conseillère d’Etat vaudoise en charge de la sécurité: «Nous ne disposons pas de chiffres qui attestent de leur efficacité, mais il est indéniable que les caméras de vidéosurveillance peuvent permettre d’élucider certains délits et contribuent à rassurer la population face au sentiment d’insécurité.»

Reste que face à l’absence d’étude probante, les élus vaudois ont bien de la peine à justifier l’augmentation massive du nombre de caméras dans les communes. Sont-elles destinées à sécuriser l’espace public ou à rassurer une population qui se croit en danger? «Les citoyens se sentent en sécurité lorsqu’il y a de la vidéosurveillance, concède Elisabeth Ruey-Ray, municipale PLR nyonnaise en charge de la sécurité. Nous devons répondre à ce besoin.»

Thoune range ses caméras aux oubliettes

Au mois de septembre de cette année, la ville de Thoune a pris une décision radicale en annonçant le démontage de ses huit caméras de surveillance, soit l’ensemble de ses installations, d’ici à 2017. Motif? Elles n’avaient aucun effet, car les images étaient de piètre qualité et le cadre légal trop restrictif. Selon les autorités thounoises, l’efficacité du dispositif n’était pas du tout évidente et elles ont préféré mettre un terme à la vidéosurveillance des citoyens.