Abstinent avec les Alcooliques Anonymes

Il fait froid, il pleut, la nuit tombe. Il monte les escaliers extérieurs avec comme point de mire les lumières à l’étage. Il n’en peut plus de cette obligation de boire, de devoir toujours être saoul. Le matin même, au bout du rouleau, il a appelé le 0848 848 846, la permanence des Alcooliques Anonymes: «Je ne peux plus vivre ni avec ni sans alcool, ma vie n’a plus de sens». On lui a dit: «Pourquoi ne viendrais-tu pas à une de nos réunions, tu y rencontreras des gens qui ont connu ce que tu vis. Peut-être que d’en parler…». Oui, il est venu, pas tellement pour en parler, mais juste pour voir. Foutu pour foutu!

Arrivé à l’étage, par la porte vitrée, il aperçoit des gens, debout, qui s’embrassent, se serrent dans les bras, tout sourire. «J’ai dû me tromper d’endroit». On lui fait un petit signe alors qu’il passe la tête par l’ouverture de la porte. Si c’est les AA que tu cherches c’est ici. Des alcoolos, ça? Il prend place autour de la table, la séance va commencer. La modératrice va lire le préambule à toute réunion: Les Alcooliques anonymes sont une association d’hommes et de femmes qui partagent entre eux leur expérience, leur force et leur espoir dans le but de résoudre leur problème commun et d’aider d’autres alcooliques à se rétablir. Le désir d’arrêter de boire est la seule condition pour devenir membre des AA. Les AA ne demandent ni cotisation ni droit d’entrée ; nous nous finançons par nos propres contributions. Les AA ne sont associés à aucune secte, confession religieuse ou parti politique, à aucun organisme ou établissement; ils ne désirent s’engager dans aucune controverse; ils n’endossent et ne contestent aucune cause. Notre but premier est de demeurer abstinents et d’aider d’autres alcooliques à le devenir.

Il se sent soudain moins seul et, lorsque l’on demande si quelqu’un vient pour la première fois à une séance des AA, il lève la main, un peu mal à l’aise. Tous applaudissent. Drôle d’idée. On le regarde avec une telle bienveillance qu’il en est presque gêné. Quelque chose en lui opère déjà, une forme de soulagement, un sentiment d’appartenance. Il sera là la semaine prochaine, il se le promet : «Reviens, ça marche» qu’on lui dit en sortant! Aujourd’hui, pour lui, cela fait six ans que ça marche.