La galère remplit l'Espace

SOCIAL • Ouvert depuis deux mois aux personnes démunies, l'Espace est victime de son succès. Chaque jour, le lieu sans alcool accueille une centaine de personnes. Mais il n'a pas réduit pour autant de manière significiative la présence des marginaux à la Riponne

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    La galère remplit l'Espace

Il est à peine plus de 9 heures, heure d'ouverture de l'Espace, mais déjà toutes les places, ou presque, sont prises. Au fond, un groupe de migrants d'Afrique de l'ouest se réchauffe autour d'une boisson chaude en silence, le regard absent. L'un d'entre eux termine sa nuit qu'on imagine difficile. A l'entrée, deux hommes jouent aux cartes alors qu'un autre regarde la télé dont le son a été coupé. L'ambiance est bon enfant.Ouvert depuis le 3 décembre dernier à la rue César-Roux à Lausanne, l'Espace est victime de son succès. Chaque jour, ce ne sont pas moins d'une centaine de personnes qui viennent dans ce lieu destiné aux personnes en grande précarité. Ici, pas d'alcool ni de drogue, mais un espace chaud, des boissons, des collations et un espace de discussion sont offerts. Six intervenants s'y relaient 6 jours sur 7. S'il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, le premier bilan est positif. «Les gens respectent les lieux. Lorsqu'il y a des tensions, rares, les gens sortent régler leurs problèmes dehors. Malgré la forte affluence, on observe une certaine régularité de présence qui va nous permettre de créer des liens, une fois la méfiance dissipée», relève Véronique Pochon, coordinatrice de l'Espace.Attablé au bar, Kamel, 43 ans, vient chaque jour à l'Espace. Sillonnant l'Europe depuis 25 ans, cet Algérien au physique avantageux est arrivé en Suisse il y a un peu plus de 3 mois. «Pour découvrir un pays de rêve», rigole-t-il. Sans papier, il a déchanté et trouve du réconfort à l'Espace en lisant le journal, jouant aux fléchettes avec un assistant social et bavardant avec son compagnon d'infortune. La cinquantaine, ce Syrien, coiffeur de métier, rêve lui de retourner à Bruxelles, une fois les beaux jours revenus. Kamel se dit chanceux, il a trouvé à passer ses nuits dans une caravane. Alors que le soleil brille dehors, on lui demande s'il n'a pas envie de sortir: «Pour faire quoi? Draguer les femmes? Je n'ai même pas de quoi leur payer un café…», confie-t-il, lucide.

Ambiance saine

Placé sous la responsabilité du Service social, l'Espace permet aussi aux plus démunis de réserver des lits dans les hébergements d'urgence. Chaque jour, deux intervenants du lieu se rendent à la place de la Riponne. «Notre but est d'être auprès des personnes dans le besoin là où ils sont. Nous créons ou maintenons un contact. Cette présence quotidienne permet aussi de détecter de nouvelles personnes», souligne Véronique Pochon.L'ouverture de l'Espace ne semble cependant pas avoir réduit de manière significative la présence de marginaux sur la place de la Riponne. «C'est vrai, mais nous n'avions pas la prétention ni l'objectif de vider la Riponne du jour au lendemain. Il y a tout de même une partie des usagers qui viennent un moment à l'Espace, puis retournent sur la place», relève Eliane Belser, responsable de l'aide sociale d'urgence au Service social de Lausanne.Malgré cela, le premier bilan est positif. L'ambiance est saine, respectueuse du voisinage. «Nous sommes encore en phase de rôdage. On se questionne tous les jours. Le cadre est bon. A nous maintenant de l'adapter au quotidien pour répondre à la demande», conclut Véronique Pochon.