L’ultime duel des experts

VOTATION SUR TAOUA • Alors que les Lausannois s’apprêtent à se rendre aux urnes ce week-end pour décider du sort de Taoua, partisans et adversaires affûtent leurs derniers arguments. L’architecte Léopold Veuve a examiné les photomontages réalisés récemment sur la base de la position des ballons servant de gabarits. Sa critique du projet Taoua est tranchante. Pierre Dessemontet, docteur en géographie économique, a au contraire une vision totalement différente de la problématique.

  • La tout de Toua vue du Parc de la Rouvraie. PHOTOMONTAGE / DR

    La tout de Toua vue du Parc de la Rouvraie. PHOTOMONTAGE / DR

  • La tout de Toua vue de la Place de l'Europe. PHOTOMONTAGE / DR

    La tout de Toua vue de la Place de l'Europe. PHOTOMONTAGE / DR

  • La tout de Toua vue de Ouchy. PHOTOMONTAGE / DR

    La tout de Toua vue de Ouchy. PHOTOMONTAGE / DR

NON A TOUA 
Construire Taoua, c’est rompre le pacte entre la ville et son relief
Léopold VEUVE, Architecte

Lausanne entend exprimer le dynamisme de son évolution actuelle, désir légitime. Cela doit se traduire par un projet caractérisé par une tour, pourquoi pas, mais un programme de densification peut très bien être réalisé sans construire une tour. Mais avec une tour c’est mieux, c’est l’expression du dynamisme de la ville, voyez Bâle, Zürich et dans des villes plus grandes- on cite Amsterdam-, partout elles sont présentes. C’est tendance comme on dit aujourd’hui.

Mais les exemples cités n’ont rien à voir avec la situation de Lausanne. Allez vous promener à Bâle ou à Zurich, les tours ne sont visibles qu’exceptionnellement, elles sont situées sur des villes en partie plates, sur des plaines alluviales ou sur des comblements gagnés sur l’eau où ce sont les tours qui créent le site.

Lausanne a le privilège d’être située sur un terrain en pente continue descendant vers le lac, avec en plus, des vallons et des crêtes. Topographie compliquée révélant dans le paysage, parfois d’une manière surprenante, des bâtiments qui sont pourtant sans excès dans leur hauteur. Jusqu’à ce jour le développement de la ville, à quelques exceptions près, a bien négocié le privilège du site, ce qui lui assure son identité actuelle.

Le respect du site est une longue histoire de la société lausannoise et de son attachement aux problèmes de vues. Cette épaisseur historique explique la situation présente. Construire la tour Taoua, c’est rompre le pacte entre la ville et son relief et ouvrir la ville aux programmes des tours.

En conclusion nous invitons toutes les Lausannoises et tous les Lausannois qui n’ont pas encore voté ou qui hésitent à prendre position de se poser la question au vu des photos!


OUI à TOUA
Construire Taoua, c’est placer Lausanne  au cœur du canton
Pierre DESSEMONTET, Docteur en géographie

La campagne de votation sur le référendum contre la tour Taoua, sur lequel les Lausannoises et les Lausannois vont se prononcer dimanche, touche à sa fin. Comme toujours, s’agissant d’un débat d’urbanisme, partisans et opposants se sont étripés sur la beauté ou la laideur de ladite tour, sur l’impact qu’elle aura sur le paysage, sur l’opportunité de construire des tours en général, et celle-ci à cet endroit en particulier, sur son caractère exclusif ou au contraire sa mixité sociale, sur la densification urbaine, souhaitée par toutes et tous, sauf que: pas celle-ci, pas ici, pas comme ça.

Les projets de tours comportent une forte composante symbolique. Les seules construites récemment en Suisse l’ont été dans des villes mondiales, qui s’assument comme telles, de vraies métropoles: Zürich et Bâle. A l’inverse, là où la mentalité de village persiste, les projets échouent. Le 9 février dernier, Chavannes-près-Renens a toutefois largement accepté sa propre tour. Située au croisement névralgique de trois artères majeures de l’Ouest lausannois, la future tour des Cèdres, plus imposante que Taoua, viendra compléter symboliquement les fonctions urbaines que petit à petit, l’Ouest lausannois chipe à la ville-centre. Pendant que Lausanne doute du bien-fondé d’une implantation à forte valeur symbolique urbaine, son ancienne banlieue industrielle s’urbanise à marche forcée et signale à qui veut bien l’entendre qu’elle est prête, le cas échéant, à prendre le relais – voire qu’elle n’attend que ça. Et c’est à cette lumière aussi qu’il faudra lire le choix des Lausannoises et des Lausannois.

 

Parce que la question qui leur est posée n’est pas seulement celle d’un projet architectural ou d’un plan de quartier. A travers Taoua, c’est bien la place de leur ville, dans l’ensemble qu’elle constitue avec ses banlieues, son canton, et au sein de la métropole lémanique, qui est en jeu.