Pharmacies: le blues des indépendants!

SANTÉ • Face aux grandes chaînes, à leurs alliances avec les assurances, aux commandes sur internet et aux médicaments vendus au supermarché, les pharmaciens traditionnels de Lausanne craignent le pire.

  •  Une pharmacie sur trois n'est pas rentable. DR

    Une pharmacie sur trois n'est pas rentable. DR

«Dans le milieu, tous ceux qui ont appris que j’investissais pour rénover ma pharmacie haussaient les sourcils en me disant que j’étais bien courageuse», explique Véronique Serre, pharmacienne propriétaire qui vient de rénover l’une des plus anciennes officines de la ville, située sur la Place du Tunnel. Au milieu du siècle passé, la pharmacie était même décrite par Jacques Chessex dans son Portrait des Vaudois.

Située à proximité directe de bon nombre d’autres pharmacies souvent membres de grandes chaînes, sa petite équipe mise tout sur le service pour tenter de survivre: «Nous connaissons chaque client et nous prenons le temps de leur donner les bons conseils. Au pire, s’ils oublient une fois leur ordonnance, on peut leur avancer leurs médicaments.»

Et c’est bien cette proximité qui est menacée avec les nombreux coups durs qu’encaissent actuellement Véronique et ses confrères indépendants.

Des alliances et une libéralisation

Depuis quelques années, des assurances proposent des allégements de primes à leurs assurés qui se procurent leurs médicaments uniquement auprès de certaines chaînes pharmaceutiques. «Ces partenariats sont des histoires de gros sous et Dieu sait bientôt ce que les assureurs nous demanderont. Seules les grandes chaînes ont les moyens de jouer ce genre de jeux», estime ainsi Véronique Serre. Un système qu’elle dénonce ouvertement, mais que de nombreux jeunes du milieu ont refusé de commenter, de peur que cela leur joue un mauvais tour dans la suite de leur carrière.

Un problème de rentabilité

Heureusement, selon les pharmaciens interrogés, il existerait également un mouvement de réactance auprès des consommateurs et certains seraient prêts à faire un trajet plus long pour n’avoir recours qu’à des pharmaciens indépendants.

A en croire l’association Pharm!Action, une pharmacie sur trois n’est aujourd’hui pas rentable. Une situation qui ne pourra qu’empirer les prochaines années avec le développement de la vente en ligne et le nombre croissant d’autorisations de vente libre de certains médicaments, autrefois introuvables dans les centres commerciaux.

Une question de santé publique

«Tout cela se fait dans l’indifférence, on se demande parfois qui est vraiment là pour défendre les pharmacies indépendantes. Pourtant, c’est bien d’une question de santé publique dont il s’agit. Tous les pays qui ont pris l’habitude de vendre des médicaments sans les conseils attentionnés d’un pharmacien s’en mordent les doigts», conclut Véronique, la gorge nouée.