Une motion pour sauver les commerçants

TRAVAUX • Échaudé par l'impact des travaux sur les commerces de son quartier de Chailly, le conseiller communal Guy Gaudard dépose une motion qui appelle à la création d'un fonds d'indemnisation. Une démarche qui brouille la logique politique.

  • Un fonds pour indemniser les commerçants? Sur quels critères, par quels financements?

    Un fonds pour indemniser les commerçants? Sur quels critères, par quels financements?

«Il ne suffit pas de se prévaloir de l'intérêt public pour débarquer et déposséder les habitants de leur quartier!» L'apostrophe est du conseiller communal PLR Guy Gaudard, qui a déposé une motion intitulée «Création d'un fonds d'aide aux commerçants lors de travaux publics». Depuis quelques semaines, commerçants et habitants de Chailly font en effet les frais du chantier qui transforme en profondeur leur quartier (lire notre article dans l'édition du 4 juillet). Seulement voilà: ils sont nombreux à craindre un scénario similaire à celui de la Sallaz qui a vu nombre de commerçants mettre la clé sous le paillasson. Pire encore, avec les grands travaux qui vont affecter le centre-ville dans le cadre des réaménagements liés aux Axes forts, il est à parier que de nombreux commerçants vont voir leur activité durablement affectée, voire même menacée.

«Sensé et raisonnable»

D'où la motion Gaudard qui appelle à la création d'un fonds «destiné à exclure les risques de licenciements», au nom du devoir de «sauvegarder l'emploi commercial», appelant la Ville à reconnaître «les problèmes rencontrés par les commerçants et les entreprises lors de travaux lourds et de longue durée». La Ville justement, qui par la voix d'Olivier Français dans nos colonnes, avait opposé un niet catégorique à toute idée d'indemnisation des commerçants, arguant du fait que les travaux menés sont «d'intérêt public, avec des moyens financiers publics». Étonnamment, la motion Gaudard suscite auprès des partis lausannois des réactions contrastées qui brouillent, et à plus d'un titre, la logique de l'échiquier politique. Pas embarrassé par la position de son Municipal, qu'il déclare «comprendre vu sa fonction», le conseiller communal et vice-président du PLR cantonal Mathieu Blanc trouve le texte de la motion Gaudard «sensé et raisonnable», à condition de bien «définir les critères d'éligibilité des commerçants soutenus». Sur le principe, l'UDC Philippe Ducommun, estime «adhérer à une démarche qui soutient les commerçants», tandis que Vincent Rossi, le président des Verts lausannois, estime que la question de l'indemnisation des commerçants doit être prise en compte. «Il ne faut pas tuer cette idée dans l'œuf, déclare-t-il. Mais il faut l'étudier plus en profondeur et réfléchir à l'implication de la collectivité dans un tel fonds. Par exemple, on peut se demander si ce ne serait pas aux commerçants eux-mêmes de le créer. Sans oublier les potentiels effets pervers d'une telle mesure, qui pourrait décourager la mise en route de chantiers importants».

Socialistes réticents

Bref, un peu partout, la motion Gaudard suscite plus qu'un intérêt poli. Sauf pour... les socialistes qui très étrangement, ne la voient pas d'un très bon œil. «Cette solution n'est probablement pas la meilleure. La bureaucratie nécessaire pour prouver une perte de chiffre d'affaires vaudra-t-elle la peine pour au bout du compte un petit dédommagement financier?» s'interroge ainsi Benoît Gaillard, président du PS lausannois. Et d'ajouter: «La Ville en revanche doit mieux assumer ses tâches de base, qui ne sont pas de s'immiscer dans les comptes des commerçants, mais d'informer sur les commerces, de les rendre accessibles, de les signaliser et de faciliter les démarches pour les terrasses».Si on résume les choses, on se retrouve donc avec des chantiers qui durent, des commerçants qui souffrent, une droite favorable à un soutien financier et une gauche qui préfère voir des autorités publiques se cantonner au rôle de gardien des conditions-cadre. La motion Gaudard promet incontestablement une rentrée politique passionnante.