Le défi d’Aung San Suu Kyi

  •  Manon Schick, Directrice d'Amnesty International Suisse. dr

    Manon Schick, Directrice d'Amnesty International Suisse. dr

Il n’y a pas qu’en Suisse qu’on élisait le week-end dernier. En Birmanie, des millions de personnes étaient appelées aux urnes et elles se sont déplacées en masse. Plus de 80 pour cent de la population a voté. A côté, nos 40 pourcent de participation font pâle figure.

La comparaison s’arrête là. Car les Birmans ont été privés du droit de vote depuis un quart de siècle. La junte militaire au pouvoir a réprimé toute opposition pendant des décennies, emprisonnant et réduisant au silence toute personne qui osait contester son pouvoir. Je me souviens des premières lettres que j’ai écrites pour réclamer la libération d’Aung San Suu Kyi, il y a vingt ans. Je recopiais soigneusement le nom de cette femme au patronyme si compliqué, qui, plus tard, recevra le prix Nobel de la paix et que j’ai eu le bonheur de rencontrer en chair et en os à Berne en 2013.

Aujourd’hui, Aung San Suu Kyi est plébiscitée par son peuple. Mais la situation en Birmanie est loin d’être rose. J’ai dû apprendre l’orthographe d’un autre mot: les Rohingyas. Cette minorité ethnique est victime d’un déni de droits. Des centaines de milliers d’entre eux ont été privés de leurs cartes d’enregistrement temporaires et n’ont donc pas pu voter. De nombreux candidats musulmans et rohingyas, dans ce pays à majorité bouddhiste, ont également été disqualifiés pour des motifs discriminatoires.

Depuis 2012, des dizaines de milliers de Rohingyas fuient les violences et tentent de rejoindre la Malaisie ou l’Indonésie par la mer. Beaucoup sont morts dans cette traversée dangereuse. Le même schéma se répète, en Asie du Sud-Est et en mer Méditerranée. Aung San Suu Kyi doit agir. Je serais déçue qu’elle soit la prochaine destinataire de mes lettres.