«A Lausanne, la bagnole entraîne une servitude absurde»

URBANISME • La Municipalité ambitionne de réduire le nombre de voitures dans l’hypercentre tout en développant la mobilité douce. Comment y parvenir sans opposer les usagers de l’espace public? L’urbaniste lausannois Laurent Guidetti milite pour un aménagement du territoire intelligent.

  • Laurent Guidetti déplore que l’espace public soit confisqué par la voiture. DR

    Laurent Guidetti déplore que l’espace public soit confisqué par la voiture. DR

Dans son bureau, où architecture et urbanisme sont les spécialités, lui et ses associés se consacrent depuis plus de vingt ans à la réflexion de ce que peut représenter une ville sans voiture. Un mode de vie collectif et minimaliste que Laurent Guidetti expose dans son «Manifeste pour une révolution territoriale», sorti aux Editions Espazium. Sa pensée au sujet du centre-ville lausannois s’appuie sur un calcul rationnel: «La suppression en 2022 de 300 places de parc sur les 96'000 disponibles n’est pas encore une révolution. Sinon, on constaterait une diminution du trafic et du taux de motorisation. Il faut être plus ambitieux. A Lausanne, il y a environ 45’000 places de parc qui ne servent pas aux habitants, mais aux gens qui viennent de l’extérieur. Cela correspond à 111 hectares, l’équivalent de trois fois les Plaines-du-Loup. Cet espace est confisqué par la bagnole, qui entraîne une servitude absurde.»

Vision concrète du territoire

La vision du territoire que Laurent Guidetti, ex-conseiller communal socialiste, a toujours défendue, est simple: construire un monde où la notion de civisme prévaut: «L’espace public est confisqué par la voiture, qui entrave les transports en commun condamnés à rouler à une vitesse de 7 km/h au centre.» Une réalité qui ne l’empêche pas de continuer à y croire. «J’espère le voir de mon vivant. Comme piéton, cycliste et usager des transports publics, je n’ai pas la ville à laquelle j’aspire, tant elle est encombrée de voitures, qui m’empêchent de circuler, de respirer, d’avoir du plaisir à y vivre.»

Et le climat?

La préoccupation pour l’aspect écologique et l’arborisation de la ville le motive à proposer des projets en adéquation avec les besoins de notre époque. «Si on ne change pas d’état d’esprit, on ne pourra pas planter d’arbres et lutter contre le réchauffement climatique; en supprimant les 45’000 places de stationnement inutiles, on arriverait à planter des forêts et à avoir ainsi un réel impact sur le climat urbain. Et comme les Accords de Paris impliquent de diviser notre empreinte par 27, il s’agit d’arrêter de pinailler et d’être à la hauteur de nos engagements.» C’est son projet actuel, avec la coopérative Le Bled, aux Plaines-du-Loup, où il déménagera pour mener une vie plus simple, authentique et à l’«efficience» concrète.