«Il y a en Suisse un marché pour le donut» Xavier Marra, co-fondateur du Donut’s coffee «Je n’ai guère envie de manger la même chose à Lausanne qu’à New York» Knut Schwander, critique gastronomique
Ces derniers mois, la folie des donuts semble s’être emparée de Lausanne. En août dernier, la boutique spécialisée Donut’s coffee ouvrait à l’avenue Louis-Ruchonnet. Peu après, le mastodonte Dunkin’Donuts s’incrustait sur l’historique place Saint-François. Et fin mai prochain, la grande chaîne étasunienne Krispy Kreme, spécialisée dans ce beignet sucré et graisseux cher au bedonnant Homer Simpson lancera sa grande offensive sur la Suisse romande en ouvrant un premier magasin à la rue Pichard 20. Notons que ce sont précisément les chaines Dunkin’Donuts et Krispy Kreme qui ont largement contribué à la popularisation du donut aux USA dans les années 50…
«Il y a en Suisse un marché pour le donut même si on a pris du retard sur les pays voisins pour l’exploiter», estime Xavier Marra, co-fondateur du Donut’s coffee où il écoule jusqu’à 700 pièces, coûtant entre quatre et cinq francs l’unité, par semaine. Le commerçant de 26 ans voit dans ce succès une affaire générationnelle. La plupart de ses clients ont de 20 à 40 ans et il y a aussi beaucoup de mamans parmi eux. «Les plus âgés préfèrent encore souvent le croissant au donut. Lequel est subtilement présent dans la culture pop qui a bercé la plupart des personnes des moins de 40-50 ans. On ne compte par exemple plus les séries où des flics engloutissent un donut lors de leur pause!»
Le croissant lui résiste
Xavier Marra et ses amis ont un peu «suissisé» ce beignet en y ajoutant du chocolat et de la confiture locale. Cette pâtisserie nationale et même patriotique aux Etats-Unis détrônera-t-elle pour autant le carac dans le cœur et l’estomac des Vaudois? Knut Schwander, critique gastronomique lausannois bien connu, n’a pas la réponse. «Même s’il ne faut se priver de rien, je reste un peu allergique à ces produits aux noms souvent anglophones qui veulent nous vendre, souvent via de grandes chaînes sans âme, un concept plutôt qu’une véritable saveur. Pour ce qui me concerne, je n’ai guère envie de manger exactement la même chose à Lausanne qu’à New York ou Singapour», analyse aussi celui qui est responsable pour la Suisse romande du guide Gault&Millau. Littéralement «doughnut» signifie «noix de pâte» que l’on peut aussi traduire par «beignet sucré». Un de ces beignets contient une cuillère à soupe de graisse et quatre morceaux de sucre. «Fondamentalement, cette pâtisserie n’est donc pas pire qu’une boule de berlin ou un pain aux chocolat, tempère Laurence Margot, diététicienne indépendante à Pully. Le problème est qu’elle est à la fois très grasse et très sucrée, ce que de nombreux jeunes, et moins jeunes, apprécient beaucoup...»
Une journée mondiale le 3 juin
Cet énième symbole graisseux d’une hypothétique «mondialisation heureuse» est donc à consommer avec un maximum de modération. Peut-être le 3 juin prochain lors de la Journée mondiale du donut? Etrangement, cet évènement fumeux ne semble pas être né dans l’esprit de propagandistes de l’industrie agroalimentaire. Elle a été lancée en 1938 par l'Armée du Salut de Chicago qui ambitionnait alors d’honorer ainsi les femmes qui avaient servi des donuts aux soldats durant la Première Guerre mondiale.
Certains scientifiques estiment pourtant que le sucre est une drogue. Il active en effet de manière addictive dans notre cerveau la dopamine ou hormone du bonheur, tout comme le fait la cocaïne par exemple… Rappelons aussi que selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), «en Suisse, le surpoids et l'obésité sont devenus une maladie répandue» et que «cette évolution constitue un défi de taille pour le système de santé et le travail de prévention.»
Dans notre pays, près de 42% de la population adulte est en surpoids dont 11% est obèse. Environ 15% des enfants sont en surpoids/obèses. La prolifération des enseignes de donuts ne semble pas vraiment de nature à enrayer cet inquiétant phénomène...