«C’est violent de dire qu'à Lausanne le racisme est systémique»

RACISME • Ancien judoka, de père uranais et de mère kényane, Sergei Aschwanden porte un regard nuancé sur la question du racisme à Lausanne. Il estime que les propos tenus dans nos colonnes par l’élu socialiste Yusuf Kulmiye sont disproportionnés.

  • Sergei Aschwanden estime que le racisme n’est pas systémique à Lausanne. VERISSIMO

    Sergei Aschwanden estime que le racisme n’est pas systémique à Lausanne. VERISSIMO

A la suite de la publication de l’interview de Yusuf Kulmiye («A Lausanne, le racisme est partout, c’est évident!», édition du 16 février 2022), nous avons dû faire face à une vague de réactions de la part de nos lecteurs. Certains estimant que le secrétaire général du parti socialiste lausannois avait raison de dénoncé le racisme avec autant de force, d’autres considérant que ses positions étaient clairement exagérées. Pour élargir le débat, nous avons décidé de donner la parole à Sergei Aschwanden, député PLR au Grand Conseil vaudois et directeur du Centre des Sports de Villars.

Lausanne Cités: Selon Yusuf Kulmiye, le racisme est omniprésent à Lausanne, il a raison?
Sergei Aschwanden:
Non, en lisant cette interview, j’ai trouvé que ses propos n’étaient pas corrects. Car affirmer que le racisme est systémique à Lausanne, ce sont des mots forts! Avant de s’exprimer ainsi, il aurait dû attendre que les experts de l’ONU publient leur rapport final cet automne.

Vous ne tombez quand même pas dans l’angélisme?
Absolument pas, le racisme existe. L’un de mes quatre enfants en a été victime récemment à l’école. Il a huit ans et un de ses camarades de classe lui a balancé qu’il devait sentir mauvais car «il était de la même couleur que le caca». C’est sacrément violent et cela démontre qu’il y a encore du travail à faire pour faire évoluer les mentalités. Dire qu’il y a du racisme et asséner qu’il est omniprésent sont cependant deux choses bien différentes.

Toujours selon le secrétaire général du parti socialiste lausannois, la police lausannoise pratique le profilage racial, vous y avez été confronté?
Jamais. Certains diront que c’est peut-être dû à ma notoriété, même si j’en doute. Ce qui est sûr, c’est qu’il m’arrive encore de me balader à trois ou quatre heures du matin en ville de Lausanne sans pour autant me faire contrôler par la police. Vous savez, les policiers restent des êtres humains, ils font leur travail du mieux possible.

Qu’entendez-vous par là?
Que le deal de rue est souvent l’œuvre de personnes en provenance du continent africain, on peut donc comprendre l’hypersensibilité des forces de l’ordre en ce qui concerne cette problématique.

Autre grief formulé par Yusuf Kulmiye, la richesse de notre pays est due aux fonds issus de l’esclavage et hébergés par les banques suisses, que lui répondez-vous?
Je lui réponds très simplement que la richesse de la Suisse s’explique par la présence sur son sol d’une myriade de PME performantes et flexibles. Bien sûr que l’esclavage a existé, mais notre pays a respecté les lois de l’époque.

Comment expliquez-vous que votre analyse soit si différente de celle de Yusuf Kulmiye, l’antiracisme est un combat réservé aux partis de gauche?
(rires) Non, je ne crois pas. Je pense simplement que nous sommes dans une époque où les minorités font entendre leur voix, de manière très forte, parfois trop forte. Le fait de débattre est une bonne chose, mais il faut garder à l’esprit que nous ne vivons pas aux Etats-Unis ou en France. L’affaire George Floyd a certainement ébranlé les consciences et les réseaux sociaux fonctionnent comme une caisse de résonnance. Au PLR, nous avons pour principe de respecter toutes les sensibilités, c’est ce qui fait la richesse de notre parti. A l’opposé du dogmatisme des partis de gauche.

On a compris que vous ne partirez pas en vacances avec Yusuf Kulmiye…
Pourquoi pas! Je n’ai absolument rien contre lui, je serai même très heureux que l’on puisse débattre un jour de ces questions. Il m’a l’air très sympathique.