«En Ukraine, les trafiquants se frottent les mains»

CONFLIT • Mike Hoffman est à la tête de Vivere, une petite ONG lausannoise qui lutte depuis des années contre le trafic d’êtres humains en Ukraine, en Moldavie et en Transnistrie. De retour de la région, il témoigne.

  • Depuis le début de la guerre, l’association a financé l’achat de nourriture pour les réfugiés ukrainiens. En médaillon, son président Mike Hoffman. DR

    Depuis le début de la guerre, l’association a financé l’achat de nourriture pour les réfugiés ukrainiens. En médaillon, son président Mike Hoffman. DR

Lausanne Cités: Vous rentrez à peine d’un séjour en Moldavie et en Transnistrie, deux pays frontaliers de l’Ukraine. Quelle est la situation là-bas?
Mike Hoffman: En très peu de temps, ces deux pays ont reçu un nombre très élevé de réfugiés. Et ce, alors que la Moldavie est un des pays les plus pauvres d’Europe centrale et que la Transnistrie est à peine mieux, portée à bout de bras par la Russie, qui y entretient des troupes aussi. Ce sont donc deux pays qui avaient déjà d’énormes problèmes qui font face à un afflux hors norme de réfugiés.

Et comment y font-ils face?
Aussi incroyable que cela puisse paraître, avec une vraie compassion, une générosité spontanée et une très grande mobilisation, alors que les Moldaves se sont toujours sentis snobés par les Ukrainiens et que la Transnistrie, je le rappelle est très liée à la Russie. J’ai donc été très surpris qu’ils ouvrent la frontière pour les réfugiés, car ils auraient pu faire le choix de les fermer, leur prope situation étant catastrophique: les deux pays importent beaucoup de denrées alimentaires d’Ukraine et symétriquement, y vendaient beaucoup de marchandises.

Avez-vous pu rencontrer des réfugiés ukrainiens en Moldavie et Transnistrie?
Oui bien sûr. La majorité sont des femmes et des enfants, les hommes étant restés au front en Ukraine. Ils sont tous sous la stupeur car ils n’auraient jamais pensé être attaqués par la Russie, considérée comme un pays frère, et encore sous l’effroi des bombardements. Environ les deux tiers des réfugiés sont dans l’incertitude et ne savent pas ce qu’ils vont faire. Les autres pensent partir pour la Roumanie, la Tchéquie, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne, sans jamais mentionner la Suisse d’ailleurs.

Où en sont vos activités en Ukraine?
Du jour au lendemain tout s’y est arrêté. A Kharkiv, l’avocat courageux avec lequel on travaille depuis longtemps pour défendre les victimes de trafic d’êtres humains a choisi d’y rester et s’est reconverti en quelque sorte en urgentiste: spontanément, il a mis tout son argent pour acheter de la nourriture aux réfugiés cachés dans le métro. On a pu lui envoyer quelques fonds d’ailleurs. A l’ouest de l’Ukraine, notre autre partenaire, une femme, a réussi à rejoindre la Pologne… Une chose est sûre: avant le conflit déjà, ces trois pays faisaient face à un colossal trafic d’êtres humains. Désormais les trafiquants se frottent les mains: le désordre, la guerre et la détresse font leurs affaires.