Le plus vieux Vaudois sur terre a... 110 ans!

ANNIVERSAIRE • Originaire de Romainmôtier, Rodolphe Buxcel vit à Baroda, non loin de Chicago. Il vient de fêter ses 110 ans. Même s’il n’a que très peu habité dans le canton, il est aujourd’hui le plus vieux Vaudois sur terre. Un véritable phénomène à l’histoire incroyable.

  • Rodolphe Buxcel  en compagnie de sa fille Erika. OLIVIER GRIVAT

    Rodolphe Buxcel en compagnie de sa fille Erika. OLIVIER GRIVAT

«Mon père va bien. Il est toute la journée à moitié couché sur une chaise et dort beaucoup. Mais sa tête fonctionne bien et il mange de bon appétit», confie Erika Spitzke, la fille de Rodolphe Buxcel qui vit à Baroda, au bord du lac Michigan. Son père est un phénomène: il vient d’entrer dans sa 111e année, un anniversaire célébré en allant taquiner le goujon dans un étang proche du home pour personnes âgées de Bridgman où il vit depuis décembre dernier. Auparavant, il habitait seul à Baroda dans sa maisonnette de bois blanc: «Je n’ai jamais pensé qu’il vivrait aussi longtemps, ajoute Erika. Plus jeune, il souffrait toujours de l’estomac».

Né au bord de la mer Noire

Etonnante destinée que celle de ce centenaire vaudois. Né le 5 septembre 1908 en Russie tsariste, Rodolphe Buxcel était un Suisse de Chabag, la colonie de vignerons créée en 1822 par le botaniste veveysan Louis-Vincent Tardent, à 60 km d’Odessa: «Nous étions riches, mais nous n’avions pas d’argent, se souvient l’aïeul. Nous avions des domestiques russes et de belles maisons, mais peu d’argent. Mon père possédait 50 hectares de vignes et 130 hectares de terres arables. Il employait pas mal de domestiques et servantes. Il cultivait du maïs et possédait 12 à 15 cochons; on faisait de la boucherie, des saucisses et des jambons. Lors du battage du blé avec la machine à vapeur, on employait une vingtaine d’ouvriers, on les nourrissait avec du bortsch. Pour le travail de la vigne, on pouvait compter sur des ouvriers engagés à la demande. Ils habitaient le village russe voisin. Mon père avait deux écuries pour les chevaux et les vaches, une pour l’été et une pour l’hiver», raconte un petit film qui lui est consacré.

D’origine vaudoise

Originaires de Romainmôtier, d’où l’ancêtre Jacques-François Buxcel était parti sur un char en 1830 avec six enfants et son épouse genevoise Gabrielle Achar, les Buxcel ont prospéré dans la colonie jusqu’au 28 juin 1940, jour de l’arrivée des Soviétiques, perdant leurs terres et tous leurs biens.

Marié à une Miéville, d’Essertines-sur Yverdon, Rodolphe Buxcel va rester 5 ans dans des camps en Allemagne pour parvenir à Lausanne à la fin de la guerre. En 1950, il décide de gagner l’Uruguay pour y replanter des vignes au bord du Rio Negro: «Après avoir fui les communistes, j’avais peur que Staline envahisse la Suisse», explique-t-il en jonglant entre français, russe, roumain, ukrainien et allemand appris à l’école de Siebenburger en Transylvanie, aujourd’hui, Sibiu. Il parle couramment l’espagnol appris en Uruguay, mais pas l’anglais après 37 ans aux USA: «J’y suis arrivé à 70 ans, trop vieux pour une nouvelle langue!»

«Toute ma vie, je me suis couché et levé tôt, explique celui qui vit une vie d’ascète avec son AVS à 1400 dollars par mois. En français teinté d’accent russe, il raconte son enfance à Chabag, où les dindons grimpaient sur le toit picorer le chaume ou la noyade, dans une bassine, de l’un de ses trois frères. Son père Emile Buxcel a eu 10 enfants: 4 garçons et 6 filles. Il était le cadet. Les autorités consulaires sont au courant de l’anniversaire. Mais Chicago a fermé le consulat et dépend de New York. Il a contacté Erika en demandant un numéro pour le féliciter, le jour J. Sa fille a suggéré d’envoyer une carte postale. Olivier Grivat