«Molière aurait repris la phrase d’Alain Berset!»

ANNIVERSAIRE • Professeur en littérature à l’Université de Lausanne et coresponsable du projet «Rire avec Molière» qui ambitionne d’ouvrir un débat sur les conditions historiques et esthétiques du rire, Marc Escola revient sur la dimension universelle du célèbre auteur dont on fête les 400 ans de la naissance.

Lausanne Cités: Molière est aujourd’hui l’auteur le plus joué au monde. Pourquoi?
Marc Escola: Sans doute parce que lui-même était un comédien et un chef de troupe. Il y a une intelligence du jeu théâtral dans chacune de ses pièces, avec des gags et beaucoup de numéros d’acteurs.

Tout de même, sa critique des puissants et de l’hypocrisie sociale résonne bien avec l’époque contemporaine…
Bien sûr il y a un esprit très frondeur chez Molière, une méfiance à l’égard des autorités et l’imposture de tous ceux exercent leur autorité en usant de la fragilité des autres. Cela reste très contemporain et cette dénonciation fonctionne encore très bien aujourd’hui. Mais s’il y a évidemment une dimension universelle de son comique, une autre partie de son œuvre est très liée au contexte spécifique du 17e siècle et la rend difficile à appréhender aujourd’hui. Ainsi, « Les femmes savantes » est une pièce moins facile à comprendre que Tartuffe par exemple…

Au fond, Molière est-il contemporain parce qu’on l’enseigne dans les écoles ou bien l’enseigne-t-on dans les écoles parce qu’il est contemporain?
Si l’école n’enseignait pas Molière ou bien ne diffusait pas les films issus de ses pièces, il s’éloignerait sans doute, comme cela a été le cas pour beaucoup d’auteurs. Cela dit, il y a une énergie telle dans son théâtre que les comédiens le maintiennent volontiers vivant. Il est rare que l’on s’ennuie dans une pièce de Molière…

De qui Molière se moquerait-il aujourd’hui?
Didier Raoult ferait un très bon candidat au comique de Molière, car il s’est attribué une autorité en jouant sur la peur du public. Je pense que Michel Houellebecq, avec son petit côté malin, ne serait pas épargné non plus…

Et en Suisse?
Je crois que certaines répliques comme la célèbre «Aussi vite que possible aussi lentement que nécessaire» d’Alain Berset auraient volontiers été retenues pour une scène ou une autre (rires)…