«Reverdir le Sahara: la bataille à gagner de la guerre écologique!»

ECOLOGIE • Le Sahara serait une planche de salut de notre monde en crise(s) d’après un ingénieur romand. L’ouvrage bien vulgarisé qu’il publie sur ce thème est convaincant. Interview.

  • Reverdir le Sahara, pas si utopique que cela si on en juge par cet exemple au Burkina Faso! DR

    Reverdir le Sahara, pas si utopique que cela si on en juge par cet exemple au Burkina Faso! DR

C’est un projet genevois, comme il est parisien, new-yorkais, tokyoïte… Selon Jean-Edouard Buchter qui le dissèque dans un livre publié récemment, il résoudra en bonne partie les problèmes écologiques, climatiques, alimentaires et de migration de masse auxquels l’humanité est confrontée. Cet ingénieur EPFZ fribourgeois de 76 ans propose de «reverdir le Sahara».

Lausanne Cités: Vous écrivez «le Sahara fut vert et peut le redevenir». Rafraichissez-nous la mémoire…

Jean-Edouard Buchter: Voici 5000 ans, ce désert était couvert de végétation. Des hommes et des animaux y vivaient nombreux. Des peintures rupestres retrouvées à Tassili n’Ajjer en témoignent. La zone s’est asséchée suite à un refroidissement moins rapide que le réchauffement que nous vivons. L’Homme l’a accéléré en déforestant et en surpâturant. Des guerres et des exodes s’en sont suivi. C’est la première fois dans l’Histoire que l’être humain a tant contribué à détruire son écosystème.

Vous arguez que les terres européennes sont elles aussi en cours de désertification. Pourquoi ?

Nos sols ont gravement été appauvris par l’agriculture intensive. L’agrochimie et la mécanisation leur ont fait beaucoup de mal. On ne s’en rend pas encore pleinement compte car ils restent sous perfusion de cette chimie qui les stérilise. Il faut revenir à une agriculture saine de proximité!

La solution miracle serait donc de reverdir le Sahara. Pourquoi ?

Ce succès essaimera partout. C’est le plus grand désert du monde. Sa superficie est supérieure à 30’000 fois celle du canton de Genève. Il est bordé de possibilités d’adduction d’eau, comme le fleuve Niger, et la terre y est fertilisable dans de très vastes zones. Le reverdir permettra de produire de la nourriture saine en quantité, de fédérer les populations locales autour de projets agroécologiques, de susciter un exode rural inversé, de faire reculer la pauvreté, et d’offrir des terres d’accueil aux migrants.

Reverdir le Sahara est convaincant mais comment y parvenir concrètement?

Plusieurs expériences montrent déjà que cela fonctionne. Citons le cas du Sénégal où la «Grande Muraille Verte» compte déjà plus de 40’000 ha de surface reboisée. L’une des solutions est d’utiliser le tracteur-charrue «dauphin». Cette machine permet de creuser à la chaine dans le sol des cuvettes qui retiendront l’eau à la saison des pluies et dans lesquelles les paysans locaux, correctement formés, feront des semis... puis des émules. Cette technique toute simple a permis de reverdir 5700 ha en à peine 5 ans au Burkina!

Quand ce miracle vert deviendra-t-il réalité?

J’espère en voir le début de mon vivant et ce même si reverdir le Sahara exigera un «effort de guerre» équivalant au budget de l’armée américaine. C’est beaucoup mais les problèmes qui arrivent droit sur nous ne nous laisseront pas le choix. Laurent Grabet

«Reverdir le Sahara», Editions Favre.

Pascal Couchepin convaincu

L’ouvrage «Reverdir le Sahara» est si convaincant et porteur d’optimisme, bien que basé sur des constats alarmants, qu’il a donné envie à l’éditeur Pierre-Marcel Favre de lancer une fondation éponyme. Laquelle compte dans son conseil des personnalités, comme le conseiller fédéral Pascal Couchepin et l’ancien ambassadeur Raymond Loretan. Objectifs: faire lever des fonds. www.reverdirlesahara.org