10% de plus pour les retraités: une nécessité ou un danger?

- Le 25 septembre prochain, le peuple devra dire s’il accepte d’augmenter les rentes AVS de 10%.
- Cette proposition est contenue dans l’initiative AVSplus due aux milieux syndicaux et la gauche.
- Aux yeux de la droite, un «oui» mettrait en danger les finances de l’AVS et péjorerait les entreprises.

Les retraités de ce pays vont-ils bientôt voir leur AVS augmenter? C’est la question à laquelle les Suisses devront répondre le 25 septembre dans les urnes. Ce jour-là, le sort de l’initiative AVSplus lancée par les syndicats, alliés à la gauche, sera tranchée. Elle propose d’augmenter l’AVS de 10% pour tous les retraités, de la rente minimale de 1175 francs à la maximale de 2350 francs. Coût de l’opération: un peu plus de 4 milliards de francs par année.

La crise est passée par là

À l’origine de cette proposition, la crise financière qui met la prévoyance professionnelle dans une situation plutôt difficile. Les caisses de pension baissent les taux de conversion, ce qui a pour effet de réduit les futures rentes liées au deuxième pilier. Conséquences: la prévoyance vieillesse ne permet plus aux retraités de maintenir un niveau de vie approprié. D’où la nécessité d’augmenter les rentes AVS pour palier ce manque, la gauche et les syndicats estimant que c’est là le seul moyen pour compenser les pertes de rentes dans le 2e pilier.

Pour financer cette hausse des rentes, les initiants proposent d’augmenter de 0,4% la cotisation de la part des salariés comme celles des employeurs. Un retraité vivant seul recevrait ainsi entre 1400 et 2800 francs de plus par année et un couple 4200 francs.

La droite fait barrage

La droite fait barrage à cette proposition. Elle estime qu’elle met en danger les finances de l’AVS, malmenées par l’allongement de la durée de vie et l’arrivée des baby-boomers à la retraite. Aux 7 milliards qui devraient manquer dans les caisses à l’aube de 2030 s’ajouterait l’augmentation de la rente, creusant un gouffre de 12,5 milliards de francs, selon certains calculs. Pas question à ses yeux non plus d’augmenter les montants des cotisations car cela péjorerait la compétitivité des entreprises.

Elle estime enfin que le principe de l’arrosage général ne profiterait in fine qu’aux retraités à haut revenu. Les retraités au revenu modeste seraient prétérités, car ceux qui touchent des prestations complémentaires verraient celles-ci être diminuées, selon le principe que, si l’AVS augmente, les prestations complémentaires diminuent.

La solution Berset

La droite, et ça peut apparaître paradoxal, mise plutôt sur le projet de prévoyance vieillesse 2020 initié par le Conseiller fédéral socialiste Alain Berset, qui englobe le premier comme le deuxième pilier.

Dans tous les cas, si le peuple dit «oui» à l’initiative, celle-ci devrait être appliquée dès 2018.

Rebecca Ruiz - L’AVS: sûre, bon marché

OUI À L’INITIATIVE • Tous les experts du domaine de la prévoyance l’affirment: la situation dans le 2e pilier est préoccupante. Depuis quelques années, malgré des hausses de cotisations pour beaucoup d’assurés, les prestations ne font que baisser et les marchés financiers peinent à tenir les promesses de rendements. À l’inverse, on sait que le 1er pilier, l’AVS, est stable. Les cotisations n’ont pas augmenté ces 40 dernières années et, pourtant, le nombre de rentes versées a doublé et le niveau des rentes a augmenté. C’est pourquoi il est urgent de développer le pilier qui fonctionne le mieux, l’AVS. L’initiative AVSplus propose ainsi d’augmenter toutes les rentes de 10%.

Face à la crise des caisses de pension, c’est le seul moyen en effet d’assurer une retraite digne à celles et ceux qui auront travaillé durement et qui s’arrêteront ces prochaines années. Pour financer une telle mesure, on augmentera les cotisations salariales de 0,4 % pour les employeurs et autant pour les salariés. Pour un salaire brut de 5’000 francs, une personne de 30 ans paiera environ 20 francs de plus par mois. Mais elle recevra le moment venu presque 200 francs de plus sur sa rente mensuelle: de l’argent bien investi! Pour obtenir la même augmentation dans le 2e pilier qu’avec AVSplus, cette même personne devrait économiser 40’0000 francs de plus.

La majorité de droite du Parlement est en train de nous concocter un massacre des rentes. Elle propose notamment d’augmenter l’âge de la retraite à 67 ans sans laisser la possibilité au peuple de se prononcer. En même temps, on prévoit de baisser le taux de conversion des caisses de pension. Le résultat de telles décisions seraient catastrophiques pour le pouvoir d’achat des retraités. Dans un tel contexte, nous sommes toutefois face à un choix simple avec l’initiative AVSplus: alimenter les caisses de pensions privées ou miser sur l’AVS, l’un des fondements du système suisse, une assurance sûre et bon marché.

Rebecca Ruiz, Conseillère nationale PS Vaud

Olivier Feller - L’appât cache un piège

NON À L’INITIATIVE • L’appât de l’initiative AVSplus est alléchant. Toutes les rentes seraient augmentées d’un coup de 10%. Mais c’est un piège. En raison de l’allongement de l’espérance de vie - qui est en soi réjouissant - et du départ à la retraite des baby-boomers, l’équilibre financier de l’AVS est durablement menacé. Les partisans de l’initiative prétendent que le système reste stable grâce à l’augmentation de la productivité et de la masse salariale. Mais les données chiffrées démontrent le contraire. Depuis 2014, et pour la première fois de son histoire, l’AVS dépense plus qu’elle n’encaisse. 320 millions de déficit en 2014, 579 millions en 2015 ! Si rien n’est entrepris, le déficit de l’AVS atteindra quelque 7 milliards par an dès 2030.

Alors qu’il nous faut déjà trouver, non sans difficultés, des mesures pour couvrir le déficit programmé, l’initiative propose d’augmenter brutalement les dépenses de 10%. Au final, qui devra payer cette apparente générosité? Tout le monde au travers d’une hausse de la TVA? Les employeurs et les employés au travers d’une augmentation des cotisations? Ou encore les retraités les plus démunis qui verront certes leurs rentes augmenter, mais leurs prestations complémentaires se rétrécir ou disparaître?

Les partisans de l’initiative prétendent aussi que l’augmentation de 10% des rentes AVS favorisera la consommation, donc notre économie. Mais cette «vertu» n’est que mirage au vu des mesures de financement qui seraient nécessaires. Une augmentation de la TVA réduirait le pouvoir d’achat de tous, l’augmentation des cotisations AVS diminuerait les revenus disponibles des actifs. De telles mesures, si elles se révélaient inévitables, devraient servir à assurer le maintien des rentes actuelles et non à augmenter encore davantage les dépenses de l’AVS.

Olivier Feller, Conseiller national PLR Vaud