20 ans après, des Lausannois racontent leur sidération

ATTENTATS • Le 11 septembre est le type même d’événement marquant qui laisse un souvenir indélébile. Entre sidération, doutes et interrogations, des personnalités lausannoises se souviennent du lieu où elles étaient et de la manière dont elles ont accueilli l’incroyable nouvelle.

Pascal Vandenberghe, directeur des librairies Payot: «Surpris, mais pas étonné»
Je vivais à Paris à ce moment là et aux éditions La Découverte, je travaillais sur des publications qui tournaient autour de la géopolitique, du Moyen-Orient, de l’actualité internationale. Alors le 11 septembre m’a surpris, mais pas étonné:il me paraissait tout à fait possible qu’un événement comme celui-là puisse se produire, et qu’un retour de bâton de la politique américaine se produise un jour ou l’autre.

Jean-Jacques Schilt, syndic de Lausanne en 2001: «Impossible de réagir vraiment»
J’étais au Grand Conseil, quand on nous a annoncé qu’un avion s’était écrasé sur une tour à New York, ce qui paraissait invraisemblable. On n’y croit pas, même lorsque des images en boucle, invraisemblables, commencent à circuler. Dans ces cas-là, la stupéfaction est telle qu’il est impossible de réagir vraiment. Bien plus jeune, j’avais vécu l’assassinat de Kennedy, avec un peu le même sentiment, celui que le monde ne serait plus jamais le même.

Grégoire Junod, actuel syndic de Lausanne:«Symbole de l’horreur»
Le 11 septembre restera le symbole le plus fort de l’horreur du terrorisme, avec d’énormes conséquences. L’invasion de l’Afghanistan est un fiasco, un échec majeur du droit d’ingérence, pour reprendre les mots de Védrine, l’ancien ministre français des affaires étrangères. Le 11 septembre, je travaillais dans mon bureau à la FTMH, un des ancêtres du syndicat UNIA. Dès que la nouvelle s’est propagée, on s’est tous réunis devant un poste de télévision, réalisant que nous n’étions pas dans un film de science-fiction, mais bien dans la vraie vie.

Nuria Gorrite présidente du Conseil Etat: «On est dans l’émotion»
Le 11 septembre j’étais Municipale à Morges, en séance. Tout à coup on a entendu un brouhaha dans le couloir. On allume la télévision dans la stupeur et il faut un peu de temps pour comprendre la réalité de ce que l’on vit et de ce que cela implique comme crise politique. On est plutôt dans l’émotion, le choc et je me souviens avoir regardé toute la nuit les images des tours en boucle.  Vingt ans plus tard, il apparaît que la réaction américaine a entraîné un engrenage que l’on vit encore aujourd’hui.

Claude Nicollier, astronaute: 
«Un choc stupéfiant»
Je résidais aux Etats-Unis,mais le 11 septembre, j’étais à Turin pour travailler sur un projet d’équipement à emporter sur la navette spatiale. Le 11 septembre, c’était d’autant plus stupéfiant que l’on n’avait pas su tout de suite si c’était un accident ou un attentat. Quand il est ensuite apparu que c’était dramatique on a tous ressenti un choc, même si je n’ai pas tout de suite vu que l’acte allait avoir un impact planétaire.

Suzette Sandoz, professeur en droit: 
«Le début d’une catastrophe»
Je vois encore l’image du moment et ma stupeur à la faculté de droit, quand mon adjoint déboule et me dit: «Regardez votre ordinateur, il y a la guerre aux Etats Unis». On ressent bien sûr une intense stupéfaction en se disant: «Si ce n’est pas un mauvais film, c’est affolant». Sans compter une inquiétude pour ma famille là-bas, qui travaillait pas très loin des tours. Vingt ans après il m’en reste le souvenir de quelque chose de totalement atroce.

Yasmine Char, écrivain: «Depuis, tout a commencé à se déliter»
Je n’ai pas un souvenir précis de là où j’étais si ce n’est que quelqu’un m’a dit «Viens voir la télévision» avant qu’un sentiment de stupéfaction ne m’envahisse. J’ai immédiatement compris que quelque chose était en train de basculer, un peu comme pour le covid, qu’il y aurait un avant et un après et quelque chose allait être franchi, de l’ordre de la perte d’innocence. Et 20 ans après ce sentiment de bascule a été amplement confirmé, que tout a commencé à se déliter avec des conséquences jusqu’à aujourd’hui avec la catastrophe en Afghanistan…

Daniel Brélaz,  conseiller national: «Un rejet de la modernité»
J’étais conseiller municipal, directeur des SIL. Au moment où la nouvelle a été révélée, nous étions en réunion de travail à l’usine de Pierre de Plan. J’ai été surpris que cela puisse se produire vu les moyens de sécurité dont disposent les USA. Il a été démontré cette année et les suivantes que les forces les plus obscurantistes pouvaient, en se basant sur l’hystérie à caractère religieux, mobiliser aussi fortement que pour les guerres de religion d’un passé que l’on espérait révolu.

Olivier Feller, conseiller national: «Je n’ai pas cru ce qu’on me racontait»
J’étais en train de travailler au Grand Conseil lorsqu’un collègue me signale qu’un avion s’était écrasé contre l’une des deux tours du WTC. Ce n’est qu’après l’attaque contre la seconde tour que j’ai compris, qu’il s’agissait d’un attentat. Les travaux du Grand Conseil ont été interrompus. Je suis allé me promener un moment dans les rues de Lausanne, pensif. Il y avait peu de monde. C’était un événement tellement exceptionnel et inattendu qu’il est gravé dans notre mémoire personnelle et la chute du mur de Berlin a produit chez moi les mêmes effets.