Affichage: la Ville a-t-elle réellement fait le bon choix?

  • En 2014, la Ville de Lausanne a lancé un appel d’offres pour renouveler la concession d’affichage sur ses zones destinées à la publicité.
  • Partenaire historique de la Ville, la SGA a été choisie même si son concurrent Clear Channel proposait davantage de recettes.
  • Ce dernier a fait recours en justice et a gagné. La SGA et la Ville ont contesté cette décision devant le Tribunal fédéral qui vient de leur donner raison.

  • En choisissant la SGA comme unique partenaire, la Ville a-t-elle fait tout juste? VERISSIMO

    En choisissant la SGA comme unique partenaire, la Ville a-t-elle fait tout juste? VERISSIMO

«La Ville a pris la décision ubuesque de ne garder qu’un seul lot à attribuer en entier à la SGA»

Patrick Zanello, expert en publicité

Les espaces publicitaires d’une ville sont des enjeux financiers importants. Autant pour les Communes que pour les prestataires qui remportent la possibilité de les exploiter. Sur ce marché, la Société Générale d’Affichage (SGA), créée en 1900, occupe toujours une place prépondérante avec des centaines de collaborateurs répartis sur l’ensemble de la Suisse.

Un appel d’offres

Lausanne travaille historiquement avec cette dernière, même si la Municipalité se doit de lancer un nouvel appel d’offre tous les 5 ans. Lors du dernier en date, c’est la société d’origine américaine Clear Channel qui est arrivée avec l’offre la plus avantageuse. Elle proposait quelques millions de plus que la SGA à la Ville, offrait selon nos sources des garanties sociales afin que les emplois concernés par ce changement de contrat ne soient pas supprimés et proposait également l’installation d’un affichage digital, ce qui n’était pas le cas de sa concurrente. Or, la Municipalité choisissait in fine de privilégier la SGA en mettant en avant des raisons «sociales et environnementales».

Une décision qui avait alors suscité une certaine incompréhension dans le milieu de la publicité où il se murmurait que celle-ci n’avait pas été prise en se basant sur des critères objectifs «La plupart des grandes villes suisses ainsi que certaines entités, comme les transports lausannois par exemple, divisent leurs espaces en différents lots qu’ils attribuent à diverses sociétés. Cette manière de faire permet d’augmenter les revenus et, de plus, à de petits prestataires locaux d’exister. Pourtant, la Ville a pris la décision ubuesque de ne garder qu’un seul lot à attribuer en entier à la SGA», détaille Patrick Zanello, expert en publicité et employé de la régie publicitaire Goldbach Media.

Questionnée par nos soins, l’actuelle Municipalité rappelle que c’est sous l’ancienne législature que ces décisions ont été prises. «La Municipalité a fait alors une évaluation globale de chaque offre à l’aune des intérêts de la Ville, tant économiques, sociaux, qu’environnementaux», explique sans autres détails la municipale Florence Germond.

Pourtant, la dimension écologique de l’offre de la SGA semble aujourd’hui discutable. La société annonçait, il y a quelques jours, vouloir offrir un affichage digital en ville par le biais de l’installation d’écrans. De quoi remettre en question le choix opéré? «La nouvelle Municipalité ne s’est pas encore positionnée sur la mise en application de ce nouveau réseau d’affichage numérique», répond Florence Germond.

Un autre point interroge. Lorsque Clear Channel fait recourt devant le Tribunal et gagne, la Municipalité ne cherche pas à trouver une solution de partage des espaces. Elle ne laisse pas non plus la SGA faire seule recours afin de laisser les juges fédéraux trancher entre deux sociétés, mais décide de s’allier avec la SGA pour faire un recourt groupé. Une démonstration de force et d’alliance avec une société privée qui surprend. « Est-ce vraiment le rôle d’une Ville de prendre parti dans un conflit entre deux sociétés privées autour d’un appel d’offre lancé par elle? Il y aurait eu des solutions plus pragmatiques, plus économiquement justifiables pour les administrés, moins coûteuses pour la Ville, et plus acceptables par les parties», souffle Patrick Zanello.

Des changement en cours

À Genève, après un monopole de presque 100 ans de la SGA, la toute jeune société locale Neo Advertising a remporté la concession de l’affichage urbain depuis le début de cette année.

La décision a fait grand bruit, d’autant plus que la SGA avait annoncé vouloir utiliser son droit de recours. Le conseiller administratif Remy Pagani, en charge du dossier, avait alors menacé de gérer tout l’affichage en interne et de ne plus faire appel à ces sociétés si elles n’arrivaient pas à se mettre d’accord. Des événements qui prouvent que les tensions sont multiples autour de l’affichage et que l’époque où les contrats revenaient toujours aux mêmes sans grande concurrence semble bientôt révolue.

À Lausanne, dans deux ans, un nouvel appel d’offre devra être légalement lancé. «On peut espérer que la Ville saisira cette opportunité pour prendre conseil auprès de professionnels afin de trouver des solutions qui lui permettent d’augmenter sensiblement ses possibilités de revenus et pour donner aussi la possibilité à des mandataires locaux de participer à ce concours», conclut Patrick Zanello.