«C’est tout simplement inacceptable et rien ne peut justifier cette décision arbitraire.»
Pas de surprise pour nous, on s’y attendait! Le Conseil fédéral a finalement pris sa décision sur l’aide urgente qu’il accordera à certains médias pour pallier aux difficultés que cette branche vitale de notre économie traverse actuellement. Dans ce plan d’urgence décrété pour contrer les effets néfastes liés à la crise du coronavirus, les journaux gratuits sont bannis, ou tout simplement oubliés. Tout comme ils le seront aussi dans le plan à long terme mis en place par notre Gouvernement dès 2023, dans le but de soutenir toutes les catégories de médias comme c’est bien précisé dans l’ordonnance fédérale: «Toutes les catégories de médias», mais on a oublié de préciser «sauf les journaux gratuits!»
Un scandale et une injustice
C’est un véritable scandale et une injustice flagrante qui crée pour l’avenir une concurrence déloyale entre les média subventionnés et la presse écrite gratuite laissée pour compte, et pour qui, si cette décision est maintenue, sonne le glas.
C’est vrai que les journaux, les radioet les télévisions sont en proie à une forte régression de la publicité. Mais, hors crise médico-sanitaire, elle est due essentiellement à la nouvelle ère ouverte par le phénomène Internet. Les annonceurs désertent les médias traditionnels au profit des plateformes qui fleurissent par dizaines sur le net. C’est comme cela et personne n’y peut rien! Et ce n’est pas cette aide qui y changera quoi que ce soit. Une révolution structurelle irréversible est en marche et la plupart des journaux écrits, sans traitement équitable de la part des autorités, auront disparus d’ici dix ans, c’est plus que probable.
Par leur décision, les Chambres et le Conseil fédéral accélèrent ainsi la prochaine disparition des journaux gratuits, dont notamment GHI et Lausanne Cités, des journaux à fort taux de lecture, qui à eux deux comptent près de 100 ans d’existence et près de 250’000 lecteurs. Si les journaux gratuits qui existent en Suisse depuis le 18e siècle sont ainsi sacrifiés et, dès ce jour, on ne pourra plus dire que la libre entreprise est garantie par notre Constitution. La notion même de démocratie en prendrait un mauvais coup!
Un important poids économique
Et cela alors que la presse gratuite représente un poids économique important dans notre pays. Des dizaines de journaux dans tout le pays touchent plusieurs millions de lecteurs fidèles et réguliers. Plus de mille emplois directs dans la branche, sans compter ceux générés chez les sous-traitants tels que les imprimeurs, les sociétés de distribution, les fabricants de papier, d’encre, etc...
Il est important de rappeler ici, qu’en ces temps de crise, les journaux gratuits ont fourni des services d’informations à la population indispensables au bon fonctionnement des institutions. Un rôle de service public qui doit rester central. D’autant qu’il garantit au passage la diversité des médias et la pluralité des opinions.
Pour toutes ces raisons, rien ne peut justifier la décision arbitraire prise par les autorités fédérales. Nos journaux sont certes distribués gratuitement, et alors? C’est péché, interdit? Quid des radios et télévisions locales qui elles aussi sont des médias gratuits, déjà subventionnées pour certaines, et qui recevront pourtant leur part du gâteau. Et là, on ne parle même pas des grands éditeurs suisses qui, bien que réalisant en général des centaines de millions annuels de bénéfices se verront aussi attribuer des subsides pour leurs journaux payants, à condition toutefois de ne pas verser de dividende en 2020. Pas sûr que les actionnaires apprécient cette réserve.
Deux poids, deux mesures dites-vous? Mais non, on a juste rêvé qu’on vivait en démocratie…