Bitume phonoabsorbant: Lausanne continue de faire la sourde oreille

NUISANCES SONORES • Par rapport à ses voisins genevois et bernois, le canton de Vaud est à la traîne dans l’installation de ce revêtement antibruit «miracle». Tout comme Lausanne qui préfère miser sur la réduction des vitesses et le report modal vers les transports publics.

  • Le bitume phonoabsorbant permet de réduire de cinq décibels le bruit routier. Son seul défaut? Sa durée de vie limitée. 123RF

    Le bitume phonoabsorbant permet de réduire de cinq décibels le bruit routier. Son seul défaut? Sa durée de vie limitée. 123RF

  • Selon les spécialistes, le rêvetement phonoabsorbant est peu adapté aux autoroutes. DR

    Selon les spécialistes, le rêvetement phonoabsorbant est peu adapté aux autoroutes. DR

  • Des contrôles sont menés par la police pour lutter contre les véhicules non conformes. DR

    Des contrôles sont menés par la police pour lutter contre les véhicules non conformes. DR

«Genève est en avance car il s’agit d’un canton urbanisé» Pierre Bays, responsable de la division vaudoise des infrastructures

Malgré sa volonté affichée de lutter contre le bruit routier, Lausanne est en retard dans l’installation de revêtements phonoabsorbants. Pourtant, ces derniers sont si efficaces que la Confédération a décidé de continuer à les subventionner l’an dernier. Au-dessus de 30 km/h, cette technique se révèle en effet bien meilleure que les limitations de vitesse très en vogue dans la capitale vaudoise. Mais pas en dessous. C’est pourquoi, après un test lausannois concluant, le canton de Vaud s’apprête à généraliser les possibilités de limitations à 30 km/h dans les centres urbains la nuit. Malheureusement, les nuisances sonores demeurent la journée.

Vaud moins bon que Genève

«A Lausanne, 35% du revêtement est actuellement phonoabsorbant et ce chiffre dépassera les 55% d’ici à 2030 dans le cadre des réaménagements liés aux travaux des axes forts de transports publics du tram et des bus à haut niveau de service», récapitule Patrick Etournaud. Le chef de service lausannois de la mobilité et de l’aménagement des espaces publics souligne que cette technologie à la durée de vie limitée n’est pas la panacée dans une ville en pente comme Lausanne où les hivers peuvent être rigoureux et les «chaînages» pas si rares.

«Lausanne possède 770'000 m2 de voirie avec un enjeu de bruit routier à assainir à raison d’environ 50 francs le m2. Mais vu que la durée de vie d’un revêtement phonoabsorbant est moindre en comparaison d’un enrobé traditionnel, cela représente quatre millions d’investissement par année dans un travail de Sisyphe… La limitation à 30 km/h de nuit, elle, n’aura coûté que 300'000 francs en signalisation…» Le professionnel est d’avis que le report modal vers les transports publics et la généralisation des réductions de vitesse dans certaines zones de jour se révélera plus efficace.

Sur les 2123 kilomètres du réseau routier vaudois, 400 sont concernés par le bruit routier excessif. Un tiers est de compétence cantonale et le reste communale. «Environ 100 kilomètres sur ces 400 ont été traités aujourd’hui, estime Pierre Bays, responsable de la division vaudoise des infrastructures, et nous devrions atteindre le 100% à la fin 2022. Entre 2010 et 2018, plus de 20 millions de francs ont été investis par le Canton dans cette lutte et 18,1 millions de subventions ont été versés par la Confédération au bénéfice du canton et surtout des communes.»

Jusqu’à cinq décibels en moins

Le canton de Genève est bien meilleur élève en matière d’installation de revêtement à faible indice de bruit. Sur les 260 kilomètres du réseau routier cantonal, 130 ont été assainis. «Et le 96% le seront d’ici à la fin de cette année», explique Roland Godel porte-parole du Département genevois des infrastructures. «Genève est en avance car il s’agit d’un canton urbanisé», tempère Pierre Bays. Selon l’Office fédéral de l’environnement, grâce à leur granulométrie plus petite et au plus grand vide qu’ils contiennent, les plus efficaces de ces bitumes phonoabsorbants étouffent le bruit routier comme si le trafic avait diminué de 85%. Ils permettent ainsi de réduire de cinq décibels le bruit que les pneus produisent sur la chaussée. Car, au-dessus de 30 km/h, ce sont ces bruits bien plus que ceux des moteurs qui causent du stress, des difficultés de concentration ou des troubles du sommeil tout en provoquant accessoirement une dépréciation des biens immobiliers dans les zones concernées.

Le canton de Berne met le paquet…

Ces trente dernières années, le canton de Berne a injecté plus de 200 millions de francs dans la protection contre le bruit. Sur les 2000 kilomètres du réseau routier cantonal, 260 nécessitaient des mesures antibruit. Le 95% de ces tronçons a été assaini. Depuis 2020, les autorités utilisent prioritairement des revêtements phonoabsorbants, lesquels recouvrent déjà 70 kilomètres de routes. Dès 2016, une étude de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) révélait que le bruit généré par la circulation routière causait des coûts importants pour la santé. A noter que près de 25% des résidents suisses sont soumis à des niveaux sonores gênants et quelque 10% à plus que les valeurs limites admissibles. En Suisse, les collectivités publiques sont tenues de diminuer les nuisances sonores excessives en se soumettant à l’Ordonnance sur la protection contre le bruit. La Confédération subventionne l’installation de revêtement à faible indice de bruit en moyenne à hauteur de 16%.