Cannabis: le nouvel or vert pourrait rapporter gros!

Le marché vaudois du cannabis s’élèverait à plus de 80 millions de francs annuels.

Une légalisation créerait des milliers d’emplois et renflouerait les caisses publiques.

Pas de quoi convaincre le ministre de l’économie Philippe Leuba qui rappelle les effets néfastes de la marijuana.

  • En cas de légalisation, le cannabis pourrait créer 3300 emplois dans le canton de Vaud. DR

    En cas de légalisation, le cannabis pourrait créer 3300 emplois dans le canton de Vaud. DR

«Une libéralisation ne supprimera pas le marché noir»»

Philippe Leuba, conseiller d’Etat en charge de l’économie, de l’innovation et du sport

«Je suis opposé de manière déterminée à une légalisation totale du cannabis. Il faut souligner qu’il s’agit d’une drogue aux effets néfastes avérés.» Philippe Leuba, conseiller d’Etat en charge de l’économie, de l’innovation et du sport, ne fait pas dans la nuance. Il ajoute: «Une libéralisation ne supprimera pas le marché noir. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe avec le trafic de cigarettes!» Une position qui tranche avec l’actualité. Après l’Uruguay et neufs états américains, le Canada a légalisé l’automne dernier la possession et la consommation de marijuana à usage récréatif. Avec à la clé la création annoncée de 150’000 emplois. Si une telle décision était prise dans le canton de Vaud, ce chiffre pourrait s’élever à environ 3300 postes nouvellement créés. Sans compter la TVA et autres impôts ainsi perçus. Une telle simulation a-t-elle déjà été réalisée? Non, selon Denis Pittet, délégué à la communication au sein du département de l’économie, de l’innovation et du sport: «A ma connaissance, aucun calcul précis n’a encore été fait.»

Cagnotte à la clé

Pour Frank Zobel, directeur adjoint d’Addiction Suisse, il convient de se pencher sur cette question: «Comme la grande majorité des professionnels du secteur des addictions en Suisse, j’estime qu’il est temps d’explorer d’autres approches que l’interdiction du cannabis.» Avant d’articuler des chiffres: «Ce marché pourrait peser de 40 à 80 tonnes en Suisse. Et, si on prend un prix de vente d’environ 10 francs par gramme, il pourrait valoir 400 à 800 millions. Avec un impôt de l’ordre de 25%, on aurait des revenus annuels pour les collectivités de 100 à 200 millions de francs.» Avec environ 10% de la population suisse, le canton de Vaud engrangerait donc de 10 à 20 millions de francs chaque année uniquement grâce à l’impôt. Favorable à une légalisation totale du cannabis, Jean-Félix Savary, secrétaire général du Groupement Romand d’Etudes des Addictions (GREA), estime que les éventuelles rentrées d’argent devront être encadrées: «Les revenus pour le canton dépendront du modèle de fiscalité. Nous soutenons une redistribution des taxes aux cantons car ils ont aussi la charge des problématiques sanitaires liées à cette substance.»

Chez Holyweed, la société du très médiatique Bernard Rappaz qui vend du CBD, le cannabis légal, on préfère rester prudent: «Nous sommes partisans d’une réglementation et non pas d’une libéralisation. Cela garantirait un contrôle sur les producteurs et les distributeurs, nuance Kelly Szabados, responsable communication. En cas de légalisation, notre chiffre d’affaires serait multiplié par 25 et nous pourrions passer de 15 à 60 voire 80 employés.» Frank Zobel précise: «Ce que nous apprend le marché du CBD, c’est le dynamisme des acteurs économiques dans ce secteur. En l’espace de quelques mois, on est passé d’un produit confidentiel aux rayons de plusieurs chaînes de supermarché et de kiosque. Si on légalise le cannabis, il faudra des règles claires et contraignantes pour éviter que l’on trouve cette substance en vente n’importe comment, n’importe où et à n’importe quel prix.» Reste que l’or vert suscite d’importantes convoitises. Et le marché du CBD a inévitablement ouvert une brèche comme le précise Kelly Szabados: «Il a permis de déstigmatiser le chanvre et de démontrer qu’une régulation est tout à fait possible en Suisse.» Fabio Bonavita