Centrale nucléaire du Bugey: Lausanne prête à attaquer

En cas d’incident grave à la centrale nucléaire française du Bugey, le canton de Vaud et Lausanne ne seraient pas épargnés.

Les autorités genevoises sont en procédure contre l’installation située à 70 km de la frontière suisse.

Lausanne se dit prête à se joindre à l’action alors que la démarche est bloquée dans l’attente de la désignation d’un magistrat instructeur.

  • Pour les autorités genevoises, la centrale du Bugey en France voisine, serait dégradée et mal entretenue. DR

    Pour les autorités genevoises, la centrale du Bugey en France voisine, serait dégradée et mal entretenue. DR

«Deux jours sur trois les vents pourraient pousser un nuage radioactif vers Lausanne»

Didier Lohri, député vert au Grand Conseil

Ça y est le premier pas est franchi, au moins sur le plan de la déclaration d’intention! Contactée par nos soins, la Municipalité le confirme par la voix du syndic Grégoire Junod: «A ce jour, aucune action judiciaire ne peut être ouverte dans la mesure où il y a uniquement eu un vœu du Conseil général de l’Ain. Nous ne pouvons donc manifester qu’un désaccord politique. Mais si le dossier devait aller de l’avant, nous nous associerons avec la Ville de Genève pour engager d’éventuelles actions judiciaires ».

En mars 2016 en effet, Ville et Canton de Genève déposaient une plainte pénale contre X, «face à la dangerosité avérée de la centrale nucléaire du Bugey», et ce «pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui et pollution des eaux».

A 140 km de Lausanne

Face au classement sans suite de celle-ci par un tribunal parisien moins d’une année plus tard, les autorités genevoises n’ont pas désarmé, introduisant une deuxième plainte en décembre 2018. L’objet du litige: la centrale nucléaire du Bugey dans le département voisin de l’Ain, située à 80 km à vol d’oiseau de la frontière suisse, 140 kilomètres à peine de Lausanne.

Forte de 5 réacteurs nucléaires, dont trois sont parmi les plus vieux de France, l’installation fait peur. Très peur même en faisant planer le risque d’un nouveau Fukushima en plein cœur de l’Europe. Pour le canton de Genève, « la situation de l’installation sur une zone sismique et inondable, à très forte densité urbaine et à proximité de cinq sites industriels présentant des risques accidentels majeurs, renforce encore les dangers que fait porter cette installation à la population ».

Risque d’un second Fukushima?

L’association suisse Sortir du nucléaire ajoute même: «la centrale du Bugey est située en aval du vieux barrage du Vouglans sur la rivière Ain. S’il lâche en raison d’un séisme ou d’un attentat, l’inondation qui suivra laisse craindre une catastrophe de type Fukushima».

Et ce n’est pas tout. La centrale en elle-même serait vétuste et mal entretenue selon le Canton de Genève qui pointe «une dégradation croissante et un entretien défectueux de ses équipements».

Malgré ces risques, les autorités suisses, en dehors de celles de Genève, sont jusqu’à présent restées étonnamment silencieuses, alors qu’en 2017, le pays a choisi en votation populaire de sortir du nucléaire. Pourtant Genève n’est de loin pas la seule à être concernée, alors que reste dans toutes les mémoires le triste mensonge du nuage de Tchernobyl, qui se serait arrêté «aux frontières» de l’Europe. «Evidemment qu’en cas de catastrophe, Genève ne serait pas la seule ville suisse touchée», explique Christian van Singer porte-parole de l’association Sortir du nucléaire, qui s’est également adressé aux autorités cantonales et aux chefs-lieux romands «pour les inviter à se joindre à la démarche genevoise».

Question au Conseil d’Etat

De son côté, le député vert au Grand Conseil vaudois Didier Lohri s’est également fendu le mois dernier d’une question adressée au Conseil d’Etat sur ce sujet, au moment où la France manifestait son intention de construire deux nouveaux réacteurs EPR sur le site du Bugey. «Les Français ne sont pas des enfants de cœur en matière de nucléaire, et on est tout à fait en droit de s’interroger sur ce qui se passe au Bugey, observe-t-il. Je viens du district de Nyon, et deux jours sur trois il y a des courants de vents qui font qu’un éventuel nuage nucléaire arriverait sans difficulté dans le canton et même jusqu’à Lausanne».

Alors que, contacté par nos soins, le canton de Vaud n’a pas souhaité se prononcer dans l’immédiat, la procédure en France s’enlise, et la plainte déposée il y a une année est quasi gelée, toujours dans l’attente de la désignation d’un magistrat instructeur, prélude à l’ouverture d’une enquête formelle et l’accès au dossier des plaignants.

Une attente qui n’est pas fortuite, selon l’avocate et ancienne ministre de l’environnement française Corine Lepage, qui représente l’Etat et la Ville de Genève dans la procédure engagée contre le Bugey.

«Plus il y aura d’intérêt de la part des diverses autorités suisses, et plus la chancellerie, qui bloque aujourd’hui la procédure, sera contrainte de changer d’attitude, encourage-t-elle. Certes Lausanne est plus éloignée que Genève, mais en cas de pépin, il est certain qu’elle ne serait pas épargnée».