Ces Roms dont l’avenir est en... Roumanie

  • En 2013, l’Union européenne lançait un ambitieux programme Rom auquel la Suisse et diverses associations caritatives participent.
  • But poursuivi: inscrire le peuple Rom dans une dynamique orientée vers l’intégration sociale, l’égalité des droits et le refus de l’exclusion.
  • Le sujet est sensible et concerne nombre de villes à l’instar de Lausanne. La journaliste Janine Roulier revient de Roumanie et nous livre son reportage.  

  •  Dans la communauté Rom, l’abandon scolaire atteint pratiquement 20% des élèves inscrits! roulier

    Dans la communauté Rom, l’abandon scolaire atteint pratiquement 20% des élèves inscrits! roulier

«Roms? Ce mot a été inventé par les pays de l’Ouest... notre communauté est tsigane»

Ils sont trois. Tous trois issus de la communauté Rom. Tous trois universitaires et aujourd’hui responsables d’une série de programmes mis en place par l’Union européenne dans le but, non seulement d’améliorer les conditions de vie de leurs concitoyens, mais aussi de créer une dynamique progressiste afin de les intégrer au mieux en Roumanie (lire brèves ci-contre). Avec, en filigrane, le souhait de les voir rester au pays et y résider normalement plutôt que de se disperser à travers l’Europe et vivre d’expédients ou de mendicité. Des Roms, vraiment? Un léger sourire de mes interlocuteurs me met mal à l’aise: «Ce mot a été inventé par les pays de l’Ouest… notre communauté est tsigane ».

Un Etat qui ne s’implique pas

Le premier d’entre eux s’appelle Paul Ramba. Licencié en droit et en relations internationales, il s’exprime dans un français remarquable. D’emblée, il dresse un constat affligeant: dans sa communauté, l’abandon scolaire est en augmentation. Il atteint pratiquement 20% des élèves inscrits! Les causes sont multiples avec un élément tristement prépondérant: la pauvreté, mais aussi la faible implication de l’Etat roumain, de la société civile ou encore des associations de parents.

Autre fait parlant: durant ces 25 dernières années, la Loi sur l’éducation a été modifiée à plus de 60 reprises et les ministres remplacés… 23 fois. Pavel Nastase, précédent ministre de l’Education, a modifié 152 articles sur un total de 365 que comporte cette Loi. Son successeur, Liviu Pop, prévoit une nouvelle mouture pour 2018.

Un enjeu considérable

Intégration des enfants Roms, scolarisation pour tous dans les degrés de la maternelle et du primaire, développement du soutien éducatif et pédagogique, l’enjeu est considérable. Le système scolaire, jusqu’au 5ème degré, s’applique durant la matinée. Jardins d’enfants, centres de jour, après-midis didactiques ou ludiques, formation des professeurs à cet égard, sont autant d’actions nouvelles s’inscrivant toutes dans la perspective d’une meilleure égalité des chances.

Paul veille au bon déroulement de l’enseignement que reçoivent plus de 2’500 écoliers de divers degrés, cela dans les sept judets soit, pour lui, quelque 1’300 kilomètres de route à accomplir chaque semaine. Très présente depuis longtemps dans le judet de Harghita, Caritas est le garant du dossier de la scolarisation.

Ioan Gogi a pour sa part suivi la Faculté en mécanique-matériaux de construction. C’est donc tout naturellement qu’il s’est vu attribuer la responsabilité des travaux des maisons entrant dans le projet. Employé à la mairie de Reghin avant d’être engagé à la FAER, la Fondation pour la promotion de l’agriculture et de l’économie régionale, cet érudit a prouvé ses compétences en occupant la fonction de lien social avec la communauté dont il est originaire.

Un architecte suisse a établi les plans standards pour toutes les maisons à construire: surface totale 45 m², 2 chambres, 1 salle de bain. La mairie offre le terrain si nécessaire, assume les travaux d’adduction d’eau. La famille prend à sa charge les finitions d’intérieur (la peinture, par exemple) dans le village d’ Iceliu de Jos, 14 maisons, neuves ou rénovées, seront habitables, et 10 à Gornesti, non loin de là. Le 24 décembre prochain, 124 familles prendront ainsi possession

Ernest Herchi enfin, est responsable de la formation professionnelle. Diplômé de l’Université en management, son enseignement s’adresse à des adultes (femmes et hommes) âgés de 17 à 50 ans, près des 90% sont Roms. Il se déplace dans 10 villages du judet de Mures, pour environ 300 personnes inscrites: 120 heures de théorie, 240 heures de travail pratique dans plusieurs domaines (commerce, vente, entrepreneuriat, les services, activités manuelles, telle que finisseur de travaux intérieurs, etc.)

Diplôme reconnu

Un diplôme reconnu s’obtient après réussite de l’examen écrit et oral. Une centaine d’emplois ont déjà été créés. Au moins 5 chefs d’entreprise ont accueilli favorablement l’idée d’engager ces nouveaux diplômés. La FAER se charge encore de la formation de soignants à domicile pour les personnes âgées. L’approche, plus délicate, fait appel aux soins de base, l’hygiène, la psychologie, aussi. A l’échéance de ce grand projet, Ernest, Ioan et Paul espèrent concrétiser leurs souhaits discrètement glissés à l’oreille: mettre à profit leur expérience dans d’autres régions, pour de futurs projets!