Conseil d'Etat: la droite va-t-elle briser vos acquis sociaux?

ENJEU • La droite s’engage à ne pas financer les baisses d’impôts qu’elle promet par des coupes dans les prestations sociales qui viennent en aide à nombre de Vaudois. La gauche estime que l’Etat-providence à la vaudoise pourrait être mis en cause par une éventuelle majorité de droite au Conseil d’Etat.

Pour la première fois depuis une décennie, et à condition que la tendance esquissée le 21 mars se confirme le week-end prochain, la droite pourrait arracher la majorité au Conseil d’Etat vaudois. Une perspective qui, pour certains, est synonyme de démantèlement de l’état social vaudois. L’ancien conseiller d’Etat popiste, Joseph Zisyadis n’a ainsi pas hésité à tweeter: «Si demain l’extrême-droite revient, il ne faudra pas se plaindre que le CHUV soit privatisé». Quelques jours auparavant, il avait également écrit: «Si demain l’extrême-droite revient, il ne faudra pas se plaindre avec l’aide de 10% du revenu pour l’assurance maladie (ndlr: subside spécifique à l’assurance maladie qui permet de plafonner le poids des primes dans le budget des ménages à 10% du revenu), qui va être ratiboisée! Et avec les hausses de cet automne, bon courage!»

Fin de l’Etat-providence?

Faut-il donc réellement craindre un démantèlement des acquis sociaux dont bénéficie la population vaudoise? Alberto Mocchi, le président des Verts vaudois se dit lui aussi inquiet: «Ces craintes sont légitimes, car il y a effectivement des partis politiques qui se sont opposés ces dernières années aux prestations sociales tout en promettant des baisses d’impôts. Certaines mesures comme les prestations complémentaires cantonales pour familles (ndlr: destinées aux familles avec enfants de moins de 16 ans et n’arrivant pas à couvrir les besoins essentiels de leur ménage en travaillant) sont combattues par la droite et pourraient être remises en cause. Cela pourrait signer la fin d’un certain état-providence à la vaudoise qui jusqu’à présent, a fait ces preuves».

Accusations «infondées»

Elue dès le 1er tour le 21 mars dernier, la conseillère d’Etat Christelle Luisier balaye ses accusations, jugées «infondées». «Nous ne toucherons pas aux acquis sociaux car nous sommes bien conscients que des mesures comme le plafonnement des primes d’assurance maladie à 10% du revenu sont essentielles pour beaucoup de Vaudoises et de Vaudois» rassure-t-elle. En ajoutant: «Ce mécanisme était d’ailleurs inclus dans un dispositif plus large, la réforme de la fiscalité des entreprises, que nous avons contribué à mettre en place.»

Même son de cloche du côté de l’UDC: «Nous sommes très clairs depuis le début de la campagne: en ce qui concerne les 10% de l’assurance maladie, il n’est pas question que l’on touche à un équilibre qui a été mis en place à la faveur de la RIE III, adoubée en votation par près de 90% des Vaudois» renchérit en écho le président de l’UDC, Kevin Grangier.

Pour être crédible, cette promesse de statu quo dans les prestations sociales doit être évaluée à l’aune d’un des thèmes clés de cette campagne: la fiscalité. La droite pourra-t-elle concilier baisses d’impôts comme elle s’y engage et maintien des prestations sociales? «Chaque année, l’Etat dégage depuis plus de 15 ans en moyenne 600 millions d’excédents, et ce alors même que les prestations sociales sont déjà financées, rétorque Kevin Grangier. Nous envisageons d’en rétrocéder une partie aux Vaudois sous la forme de baisse d’impôts, entre 200 et 300 millions. Le financement des prestations sociales n’est donc en aucun cas mis en danger.»

Baisse d’impôts pour les riches

Une profession de foi qui fait ricaner le socialiste Denis Corboz: «Ces baisses d’impôts ne vont à l’évidence que profiter aux plus riches. 5 points de baisse pour une famille avec 2 enfants et 100’000.- de revenus net, cela ne représente que 300.- de rabais par année. Nous proposons plutôt des mesures ciblées comme par exemple les subsides à l’assurance maladie qui permettent à cette même famille d’économiser 4000 francs sur une année…»

«Les progrès sociaux sont longs à se dessiner en Suisse, je pense donc que le risque de remise en question des acquis sociaux n’est pas important, estime quant à lui le politologue René Knüsel. Cependant, après deux législatures à majorité de centre-gauche au gouvernement, une nouvelle majorité se devra de se démarquer de la politique de compromis précédente. Symboliquement, l’idée pourrait être de marquer un coup d’arrêt aux dépenses et particulièrement dans le domaine social. Si le candidat UDC devait s’avérer être le personnage fort de la nouvelle équipe, alors une mesure spectaculaire pourrait être prise…»