Conseil d'Etat: les bons élèves et les cancres

A l'approche du premier tour des élections cantonales, notre rédaction s'est penchée sur le bilan de chaque conseiller d'Etat pour la législature 2017-2022.

  • Photo Jean-Bernard Sieber

    Photo Jean-Bernard Sieber

Stratégie, vision, communication, voici notre verdict.

Rebecca Ruiz, un essai à confirmer

Elue au Conseil d’état en 2019, à seulement 36 ans, et très rapidement rattrapée par la pandémie, Rebecca Ruiz n’aura pas vraiment eu d’état de grâce. Et pourtant, elle aura su faire oublier le très charismatique Pierre-Yves Maillard, dont elle a repris le dicastère, en première ligne face au covid. Gestion de la pandémie, des structures hospitalières y compris privées qui n’ont pas manquer de donner de la voix pour dénoncer le fait de ne pas être suffisamment impliquées dans le dispositif sanitaire, mise en place d’une campagne de vaccination tambour battant, prise en compte d’un personnel soignant au bord de la rupture, les défis n’ont pas manqué pour la nouvelle élue, qui a su y répondre avec calme et pondération. Ses atouts? Un style simple, une présence médiatique remarquée et un goût pour le contact direct avec le public. Il lui reste désormais à faire la preuve de ses capacités à gérer par temps calme, un paquebot dont les difficultés de manœuvre, un temps masquées par la pandémie, ne manqueront pas de refaire surface.

Note: 5/6

Christelle Luisier, un grand écart réussi

Elue au Conseil d’Etat vaudois en février 2020, Christelle Luisier Brodard a pour elle le dynamisme des débuts. Très appréciée au sein de son parti, elle a su opérer le grand écart entre la syndicature de Payerne et le Château. Son habileté se retrouve également dans les dossiers qu’elle défend avec brio, qu’il s’agisse de la transparence en politique ou de l’accessibilité du logement pour tous les habitants du canton. Elle est la représentante d’une droite centriste, certains diront «molle», dont elle se revendique sans rougir. Reste à savoir si son état de grâce saura résister au temps qui passe…

Note: 5.5/6

Pascal Broulis, un départ sans fanfare

Blessé, meurtri, Pascal Broulis a traversé cette législature comme un fantôme, ne s’étant jamais relevé des révélations publiées dans la presse sur ses voyages en Russie et ses désormais fameuses déductions fiscales entre Lausanne et sa commune de Sainte-Croix. Blanchi dans les deux cas, celui qui siège au Conseil d’Etat depuis 20 ans finit son mandat orphelin de son collègue socialiste Pierre-Yves Maillard parti en 2019, et avec lequel il aura su incarner un duo gagnant, mais surtout avec une image entachée par une stérile procédure judiciaire contre les journaux de Tamedia accusés d’atteinte à la personnalité et d’avoir mené campagne contre lui. Quasi inaudible durant le covid, il finit sa carrière de conseiller d’Etat sur un bilan pourtant positif, car c’est grâce aux excellentes finances cantonales qu’il aura largement contribué à redresser que le Canton se sera offert une prodigalité qui aura permis à bien des Vaudois de traverser la crise sans trop de casse. C’est donc une sortie sans gloire, et c’est dommage.

Note: 3.5/6

Philippe Leuba: de la vitesse à la précipitation

S’il ne fallait retenir qu’une phrase du conseiller d’Etat durant la dernière législature, ce serait sans aucun doute celle prononcée au journal de la RTS du 3 mars 2020: «On guérit du coronavirus en quatre à cinq jours à travers une prise de Dafalgan, comme n’importe quelle grippe». Son incapacité flagrante à évaluer la situation sanitaire aura démontré que son enthousiasme débordant s’est petit à petit transformé en impulsivité mal placée. Reste que sa capacité à défendre l’économie vaudoise et sa collégialité sans faille sauvent un bilan pour le moins contrasté.

Note: 3.5/6

Béatrice Métraux: fade passage de témoin

La conseillère d’Etat ne briguera pas de nouveau mandat et on la comprend. Contestée par son propre parti suite à l’évacuation des zadistes du Mormont ou des diverses grèves du climat, Béatrice Métraux s’est peu à peu coupée de sa base militante, plus radicale. Contrainte de passer le flambeau à la jeune génération, la cheffe du Département de l’environnement et de la sécurité aura eu à cœur de nourrir une entente cordiale avec le commandant de la Police cantonale vaudoise Jacques Antenen, lui aussi sur le départ. Considérée comme intègre et travailleuse, elle n’aura cependant pas brillé par son charisme et sa vision.

Note: 3.5/6

Cesla Amarelle: un manque de vision

Qui est-elle, où va-t-elle Bien malin qui saura y répondre, tant la conseillère d’Etat en charge de la formation élue en 2017, a bien eu du mal à incarner un cap clair pour un département réputé difficile, et il est vrai lui aussi malmené par le covid. Son handicap? Un vague parfum de gestion syndicale et technocratique, marquée plus par l’idéologie que par un véritable pragmatisme éducationnel et qui a suscité régulièrement des marques de défiance de la part de nombreux enseignants. Avec en plus au premier plan, un souci systématique de défense des minorités et des particularismes, mais au détriment de la majorité et surtout d’une vision globale capable d’incarner aux yeux du public la mission première de son département: former, éduquer les générations futures aux défis de la citoyenneté de demain, ainsi qu’aux besoins de l’économie. Un bon point cependant, son projet de généralisation de l’éducation numérique dont la crise du covid a rappelé la grande pertinence.

Note: 4/6

Nuria Gorrite: un peu dissipée

Face aux très déclinants Leuba et Broulis et après le départ de Maillard, Nuria Gorrite se sera incontestablement imposée comme la véritable patronne du Conseil d’Etat durant cette législature. Sa gestion énergique de la crise du covid avec une présence médiatique remarquée aura été l’occasion, pour celle qui n’a eu de cesse d’incarner un rôle de mère-la-nation, de réaffirmer, en socialiste convaincue, le rôle régalien et protecteur de l’état, tout en s’offrant le luxe de mettre sous pression le Conseil fédéral, sommé d’agir avec plus d’efficacité.

Deux points à son passif durant cette législature: d’abord une tendance à la fête qui lui aura fait commettre quelques impairs mais qui jusqu’à présent n’auront pas entaché sa popularité et ensuite une gestion pas toujours lisible du dossier il est vrai très épineux, de la mobilité au niveau du Canton où on l’a souvent sentie sur la défensive. Principal enjeu de la législature qui arrive, la troisième: préparer une sortie digne et par le haut, en rêvant, au cas où les planètes viendraient à s’aligner, d’un destin fédéral.

Note: 5/6