Drogues et alcool: un cocktail stupéfiant à l’Hôpital de Prangins

Des drogues dures et de l’alcool circulent au sein de l’Hôpital psychiatrique de Prangins, une institution rattachée au CHUV. Des substances qui sont dealées par des patients admis dans cette unité de soins aigus. En 2021, quatorze saisies de stupéfiants ont été effectuées. Le directeur tient à rassurer: des mesures ont été prises.

Dépendant à l’alcool, Jacques*, un patient pris en charge par l’Hôpital psychiatrique de Prangins n’en revient toujours pas. Le soir, sur la terrasse, c’est en quelque sorte open bar. En clair, des bouteilles de whisky jonchent le sol de cet espace attenant au bâtiment principal. «Comment lutter contre cette addiction si on me sert de l’alcool sur un plateau?», interroge-t-il. Mais ce n’est pas tout, des substances illicites, comme de la cocaïne, entrent également dans cet établissement public qui dépend du Département de psychiatrie du Centre hospitalier et universitaire vaudois (CHUV). «J’ai signalé les faits à un médecin de l’hôpital qui m’a expliqué qu’il ne pouvait rien faire», reprend Michael*, un autre malade.
A cela s’ajoute l’absence de contrôles systématiques des pass sanitaires ou des tests PCR, incombant au personnel d’accueil de certains bâtiments. Même s’il faut relever que pour accéder aux salles de soins, il est obligatoire de montrer son précieux sésame.

Inquiétude des parents
Le Dr Julien Elowe, qui dirige à la fois l’Hôpital psychiatrique de Prangins et celui d’Yverdon, prend ces témoignages au sérieux, ce d’autant qu’il a reçu, ad personam, les parents d’un patient inquiet pour la sécurité de leur enfant. En ce qui concerne la consommation d’alcool ou d’autres produits addictifs, le directeur de l’institution vaudoise affirme: «Elle est strictement interdite sur le site de l’hôpital et elle est sévèrement contrôlée. Et si de l’alcool se trouvait dans l’institution, c’est une exception». 
Face aux situations décrites, le praticien n’est pas resté les bras croisés. Il a demandé et obtenu un renforcement de la présence de l’agent de sécurité affecté à son établissement. «Depuis deux ans, son temps de présence couvre l’entier de la journée et cela a amélioré la situation», reprend-il.

Patients libres de sortir
Au-delà, il faut savoir que la prise en charge psychiatrique a, depuis plus de cinquante ans, changé de philosophie. Les hôpitaux, autrefois fermés, permettent aujourd’hui aux malades qui y séjournent d’en sortir librement. «Une nouvelle gestion des pathologies psychiatriques qui a d’ailleurs démontré toute sa pertinence», assure le Dr Elowe. Cependant, si pour chaque cas et selon l’état clinique, un périmètre est fixé limitant les déplacements, aucune base légale ne peut assigner les patients à résidence hospitalière. Et par conséquent, chacun peut quitter les lieux pour s’approvisionner en substances diverses.
Faudrait-il fouiller les patients systématiquement? Le spécialiste y est opposé: «Cette mesure entraverait la construction d’un lien de confiance qui se tisse avec le personnel soignant et que requiert le traitement». Certes, mais la vente de stupéfiants n’est-elle pas proscrite par la loi? «Oui, elle l’est. Et je dirige un lieu de soins dans lequel toutes les équipes sont attentives à ce que la drogue ou toute autre substance illicite n’y soit pas consommée. Le cas échéant, elles réagissent évidemment tout de suite».
«Plusieurs réunions avec les cadres médico-infirmiers, la police régionale et le service de sécurité du CHUV ont lieu chaque année. Elles permettent d’échanger et de mettre en place des mesures coordonnées pour dissuader et réprimer la présence de stupéfiants. En 2021, de la drogue a été saisie à 14 reprises à Prangins», insiste le psychiatre.

Caméras envisagées
Il est, en outre, intervenu dans le cadre d’un séminaire organisé en novembre dernier par l’Office du médecin cantonal. Face à une quarantaine de médecins, de professionnels de la santé et des services socio-éducatifs, il a pu exposer les difficultés posées par la présence de drogue dans bon nombre d’établissements et de foyers accueillant des personnes fragiles. Des pistes sont actuellement à l’étude, parmi lesquelles, l’installation de vidéo de protection au sein du CHUV et dont l’institution de Prangins pourrait être dotée. Un équipement d’autant plus nécessaire que si le nombre de patients a baissé, depuis l’émergence de la pandémie, les personnes en soins psychiatriques aigus font preuve d’une agressivité accrue.
A cet égard, le CHUV a mis à disposition de son personnel des formations dédiées à la gestion de la violence. Et le directeur de l’Hôpital de Prangins de conclure: «Ces situations sont traitées et des mesures allant jusqu’à une dénonciation à la justice sont envisagées».