Ecoliers privés de natel: parents heureux, enfants furax

  • Le 24 août dernier, la conseillère d’Etat Cesla Amarelle annonçait vouloir supprimer l’usage des téléphones portables durant les cours et lors des récréations.
  • Dix établissements pilotes vaudois du cycle obligatoire sont en phase de test.
  • Premier bilan une semaine après la mise en œuvre de cette décision: des parents qui jubilent, des élèves qui sont furax.

  • But de l’interdiction: favoriser la concentration et les interactions entre élèves . 123 RF

    But de l’interdiction: favoriser la concentration et les interactions entre élèves . 123 RF

Il est midi. La cloche sonne au Collège de la Planta de Chavannes-près-Renens. En quelques minutes, les 650 élèves s’échappent de l’austère bâtiment. Le premier geste de nombre d’entre eux a quelque chose du réflexe compulsif. Il consiste à dégainer le natel, qui sommeillait depuis le matin au fond de leur sac, et à s’y plonger. La quasi-totalité de ces ados de 11 à 15 ans possède un smartphone, souvent offert par leurs parents pour garder le contact. Une majorité y est accro.

Manque de chance pour eux, tout appareil numérique allumé est interdit sur le périmètre scolaire, pause de mi-journée exceptée. Cette interdiction ne date pourtant pas d’hier mais elle est appliquée depuis cette rentrée avec une tolérance zéro. L’Etablissement primaire et secondaire de Chavannes est l’un des dix du canton, retenu par le Département de la formation, pour tester l’interdiction des outils numériques connectés jusque pendant les pauses.

Du haut de leurs 14 ans, Nurpelin et sa bande de potes de 10VG3 n’apprécient guère cette cure forcée de continence numérique. «Interdire le natel en classe, OK car on doit se concentrer sur les cours mais en dehors et même pendant les camps scolaires, c’est débile et ça nous énerve grave!»

Ces ados se consolent en rêvant de gruger discrètement. S’ils sont pris, leur appareil sera confisqué, placé dans un coffre-fort au secrétariat et ce sera à leurs parents de se déplacer pour le récupérer. En cas de récidive, des heures de retenue tomberont. Comme une écrasante majorité de parents, Wagna Dias approuve pourtant cette mesure «de bon sens»: «Arthur, mon fils de 15 ans, râle car à la maison, il est scotché en permanence sur son téléphone mais moi, je préfère qu’il étudie à l’école, sans être distrait et qu’il profite des pauses pour partager vraiment avec ses copains!»

Santé publique

«Cette interdiction relève de la santé publique. Elle s’intègre au Cadre cantonal vaudois sur l’éducation numérique, rappelle Didier Sieber, directeur de l’Etablissement. L’objectif est d’aider les élèves à rester maîtres de ces outils plutôt qu’à en devenir esclaves. Pour cela, il est bon notamment de leur expliquer comment ils fonctionnent et à quoi peuvent être utilisées leurs données.» Le professionnel de l’éducation constate en effet que les outils numériques mal utilisés habituent l’esprit à une «pensée-zapping rendant difficile toute pensée construite et critique» tout en les asservissant à une «satisfaction immédiate» qui tue le goût de l’effort et rend difficile la poursuite d’objectifs à long terme.

Il est de notoriété publique que les dirigeants d’Apple, Google ou Twitter limitent l’usage des nouvelles technologies chez leurs enfants. Et ce car ils estiment que les outils, qu’ils ont créé, pourraient nuire à leur développement. Certains d’entre eux vont même jusqu’à scolariser leur progéniture dans des écoles «anti-technologie»… Diverses études scientifiques tendent à prouver qu’ils ont raison. Plusieurs concluent que les outils numériques modifient le fonctionnement de notre mémoire, de notre attention et de notre façon de voir et penser le monde!

On ne peut dès lors que se réjouir que, sauf exceptions pédagogiques, l’interdiction des natels sera très probablement généralisée dès cet hiver à l’ensemble des établissements vaudois. Certains ont même devancé l’appel dès cette rentrée. C’est le cas du Collège de l’Elysée où la mesure a provoqué la grogne de certains élèves mais aussi d’une part non négligeable de leurs professeurs. Laquelle croit entrevoir dans cette mesure une atteinte à la sacro-sainte liberté individuelle…