Elles sont nos Mères Noël: le message des infirmières aux Lausannois

PANDÉMIE • Comme chaque année, alors que la population fêtera Noël, les infirmières et infirmiers seront au front. Encore plus depuis le Covid. Lausanne Cités a souhaité leur donner la parole à travers Carmen Cuche, infirmière en soins intensifs et co-présidente de l’association suisse des infirmiers Vaud.

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«Le Covid a mis en lumière la péjoration de nos conditions de travail»

Noël est tout proche. Comment voyez-vous la situation sanitaire?
Cela va être globalement très difficile. D’abord parce que nous avons accumulé beaucoup de fatigue, et ensuite parce que nous avons beaucoup de craintes en rapport avec les conséquences des contaminations sur le nombre des hospitalisations. Je reste marquée par le Noël de l’an passé où nous avions dû mettre en partie au second plan notre vie personnelle et familiale.

N’y a-t-il pas un immense décalage entre la vie ordinaire qui continue et ce que vous vivez aux soins intensifs?
Il existe toujours dans notre métier, Covid ou pas. En soins intensifs, comme ailleurs, cette période de fêtes s’annonce compliquée. Il y a aujourd’hui un décalage entre la société qui ne veut pas ralentir, et nous en bout de chaîne, avec notre travail qui augmente de manière importante. Reste qu’en cette période particulière de fin d’année, les histoires de nos patients nous touchent encore plus…

Vous êtes quotidiennement au lit du patient. Qu’y a-t-il de plus dur pour vous?
Clairement, la charge de travail, qui est importante, d’autant plus que le personnel vient à manquer un peu partout dans les différents hôpitaux en raison des maladies et des départs non remplacés. Du coup, nous devons soigner plus de patients, avec un sentiment de frustration puisque nous n’avons pas assez de temps à leur consacrer. Sans oublier avec la fatigue et le stress, le risque plus élevé de commettre des erreurs. Ce n’est pas toujours facile à gérer au quotidien.

La surcharge hospitalière que l’on observe actuellement en raison du Covid aurait-elle pu être évitée?
La vaccination est très importante pour éviter cette surcharge. Il est vrai que dans les différents services de soins intensifs, la grande majorité des patients hospitalisés pour des formes graves ne sont pas vaccinés.

Si la vaccination est si importante, comment expliquez-vous les réticences d’une partie de la population?
La peur du vaccin est une des raisons. La liberté de choix des patients est importante et il faut absolument la respecter. Mais le problème, c’est que beaucoup de gens ont l’impression qu’ils ne feront pas de formes graves du Covid. Or avec ce virus, c’est un peu aléatoire, car on ne sait pas prédire qui développera une forme sévère ou pas. Et il faut garder à l’esprit qu’en cas de forme grave, le malade devra recevoir de très nombreux médicaments qui eux aussi, ne sont pas dénués d’effets secondaires.

Raison de plus pour se faire vacciner, non?
On est contraints d’accepter qu’une partie de la population ne veuille pas se vacciner. Mais la population doit aussi se rendre compte des conséquences de cet état de fait sur le système hospitalier et leur propre santé, en y ajoutant que la surcharge hospitalière va conduire les autorités à prendre des mesures qui auront un impact sur tout le monde, y compris les personnes qui doivent continuer à recevoir leurs soins ordinaires pour d’autres maladies. C’est compliqué sur le plan éthique, mais nous devons tous être conscients des conséquences de nos choix.

Vous arrivez à rester bienveillante avec ce constat?
Bien sûr! C’est vrai qu’il peut exister un sentiment d’incompréhension chez les soignants devant le refus de la vaccination, alors que c’est un moyen avéré d’empêcher les formes graves. Mais il ne faut pas oublier que nous sommes confrontés à ce genre de situation tout le temps et pas seulement pour le Covid, avec un patient fumeur qui développe un cancer du poumon, ou une personne alcoolique qui présente une cirrhose du foie. Ces malades souffrent déjà. Il faut respecter leur choix, et ils ont tous le droit d’être pris en charge de manière indifférenciée.

Les applaudissements, les résultats de la votation sur l’initiative sur les soins infirmiers, c’est un encouragement tout de même…
Tout cela a valeur de reconnaissance, et nous a beaucoup réjouis. Mais en réalité, le Covid n’a fait que jouer un rôle d’accélérateur en mettant en lumière la péjoration de nos conditions de travail et leurs conséquences sur la prise en charge de la population. Un constat qui existe depuis bien plus longtemps que le covid…

En dehors de la question salariale que faudrait-il faire pour que la situation de la profession s’améliore?
Ce n’est de loin pas qu’une question d’argent. Les aspects de formation, la nécessité de donner envie aux gens de rester dans le métier comptent beaucoup, sans oublier les conditions de travail qui sont déterminante. Par exemple, avec mes horaires aux soins intensifs, je pars de chez moi à 6 heures du matin pour rentrer à 20h30, j’ai des horaires et des jours de travail différents d’un mois à l’autre: organiser la garde des enfants une vie sociale et familiale est très compliqué…

Qu’est-ce qui vous fait tenir?
Le fait que l’on aime ce métier, la relation avec les patients et leur famille! En outre, c’est une profession très riche et stimulante dans laquelle on peut aussi évoluer tout au long de sa carrière. Tous les métiers n’ont pas ces qualités !

Que dites-vous aux Vaudois pour Noël?
Qu’il est important que les gens qui hésitent se fassent vacciner. C’est un beau cadeau qu’il se feront d’abord à eux-mêmes, ensuite à leur famille et enfin à toute la population.