Emilie Moeschler et Xavier Company: le bilan des 100 jours

MUNICIPALITE • Première femme à gérer la cohésion sociale et le sport à Lausanne, Emilie Moeschler a la lourde tâche de faire oublier le très populaire Oscar Tosato. Benjamin du collège municipal à 33 ans, Xavier Company a repris la direction des SIL, fer de lance de la politique climatique de la ville. Entretien croisé.

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100 jours après votre prise de fonction, avez-vous trouvé votre place au sein du collège municipal?
Émilie Moeschler: Sans langue de bois, l’équipe est chouette, on peut anticiper les sujets, se dire les choses. C’est un espace constructif et bienveillant de débats et d’échanges. Je m’y sens entendue et il n’y a pas eu de bizutage de début (rires)!
Xavier Company: Mon intégration se passe bien, Grégoire Junod fait très bien son travail de syndic en posant les débats sur la table quand il le faut. C’est une équipe qui travaille bien, en confiance et dans laquelle on ne me fait pas sentir que je suis le benjamin (rires).

Votre dicastère, vous l’avez voulu ou on vous l’a imposé?
EM: Voulu bien sûr! Tout mon parcours professionnel et politique, va dans le sens de la cohésion sociale! Le sport, tout comme le soutien aux personnes, me passionnent. Le sport parce qu’il rassemble et fait vibrer les gens ensemble et c’est un vrai levier contre les discriminations. La cohésion sociale quant à elle, relève d’enjeux différents avec des marges de manœuvres moins grandes pour une ville en raison des sources de financements cantonales ou fédérales. Or la question financière se pose très vite dès qu’il s’agit d’aide d’urgence ou de questions en lien avec les droits fondamentaux.
XC: Ce n’est pas le seul dicastère qui m’intéressait, mais je l’ai clairement voulu! A vrai dire, c’était d’ailleurs une des raisons qui m’ont poussé à me porter candidat, car je savais que le siège de Jean-Yves Pidoux allait se libérer. Et pour cause, c’est un dicastère qui donne une vraie marge de manœuvre pour faire aboutir une politique verte, dans un contexte d’énormes défis climatiques.

Selon vous, quels sont les enjeux majeurs de votre dicastère?
XC: Les SIL sont très observés, car la Ville a fait le choix courageux de les garder en mains publiques et d’en faire un des bras armés de sa politique climatique. C’est vrai que c’est une force pour une politique publique, mais cela en fait un point d’accroc politique en termes de vision de la société… L’autre enjeu, c’est que nous sommes à la croisée des chemins en termes de relations entre les SIL et la population. Jusqu’à présent, les gens se contentaient d’allumer la lumière et le chauffage sans se poser de question. Désormais, ils veulent comprendre et ont des exigences. Cela nous met une certaine pression, mais c’est aussi un challenge pour montrer comment on fait les choses et aussi qu’on les fait bien!
EM: Ma préoccupation prioritaire est le non-recours aux prestations sociales, qu’il s’agisse de personnes sans-papiers ou de celles qui ne les demandent pas, parce qu’elles n’osent pas le faire ou ne savent pas qu’elles peuvent y prétendre, alors qu’elles en ont vraiment besoin. La cohésion sociale doit être vue transversalement. Ses enjeux touchent l’urbanisme, les espaces publics comme le sport. Dans ce domaine, nous allons mettre en œuvre un ambitieux plan d’action pour atteindre l’égalité entre les genres, mais aussi développer le sport associatif et promouvoir l’activité physique pour toutes et tous.

Etiez-vous préparés à ce nouveau métier?
XC: Mon rôle à la tête des SIL n’est pas d’être un expert. Mon rôle en tant que politicien, est de comprendre les enjeux, de porter les visions stratégiques et de challenger mes équipes pour que nous les atteignions. Ce sont mes équipes qui m’accompagnent dans le volet technique de la fonction. En revanche, dans les dimensions juridiques complexes du monde de l’énergie, mon ancien métier d’avocat m’aide à appréhender les choses de manière structurée et à comprendre rapidement les aspects juridiques purs, en particulier ceux liés aux dimensions commerciales et de régulation propres aux SIL
EM: J’ai côtoyé des publics très différents tout au long de mon parcours en tant qu’assistante sociale, syndicaliste et comme responsable de la Maison de Quartier de Chailly. Cela m’aide aujourd’hui. J’ai appris à être à l’écoute, à trouver des solutions en fonction des besoins et à avoir une vision d’ensemble. En outre, mon parcours politique m’a habituée au débat d’idées et à devoir construire des ponts pour faire bouger les choses.

Qu’aimeriez-vous pouvoir vous dire, le jour où vous quitterez vos fonctions?
XC: J’aimerais que les objectifs fixés dans le Plan climat soient à jour et conformes à ce qu’on attendait de nous, et que les SIL aient accompli leur part dans le cadre de ce plan. La barre est très haute, mais la volonté politique et l’engagement des équipes sont là!
EM: J’espère, et c’est très important pour moi, pouvoir partir avec la conviction d’avoir pris des décisions en étant en accord avec moi-même et alignée sur mes valeurs. J’espère aussi que j’aurai réussi à préserver ma spontanéité et ma proximité avec les habitantes et habitants de cette ville.

L’esprit neuf du débutant, l'éditorial de Charaf Abdessemed

Ils ont ce que les bouddhistes appellent «l’esprit neuf du débutant», ce mélange subtil d’enthousiasme et de fraîcheur du regard qui autorise au début d’une prise de fonction, à la fois d’identifier ce qui ne fonctionne pas et d’imaginer les pistes les plus audacieuses.

La socialiste Emilie Moeschler et le Vert Xavier Company sont aux affaires depuis un peu plus de 100 jours. L’une a la charge de la cohésion sociale et du sport, l’autre celle des redoutables SIL (lire ci-contre). L’une succède au charismatique Tosato, l’autre au terne mais si compétent Pidoux. C’est dire si le défi est grand et probablement un brin angoissant, d’autant qu’il leur faudra se confronter à leur propre administration, par la force des choses otage d’habitudes fortement ancrées.

Mais tous les deux sont jeunes, heureux d’occuper leurs nouvelles fonctions et avec déjà derrière eux un parcours politique et professionnel étoffé et des partis structurés. Surtout, ils arrivent dans une Municipalité qui fonctionne bien et les accueille à bras ouverts, question d’accointances politiques bien sûr, mais aussi de génération.

La balle est donc dans leur camp et à eux de faire en sorte d’être à la hauteur des attentes qu’ils ont suscitées.