FASL - Ville de Lausanne: l’impossible entente

Ayant échoué à trouver une solution commune à la réorganisation de la gouvernance de la FASL, la Ville vient d’annoncer la «municipalisation» de l’animation socioculturelle.
Les professionnels de l’animation craignent une uniformisation de l’offre. Ils lancent une pétition.
Pour comprendre les tensions qui règnent, il faut revenir sur un processus qui a duré presque deux ans et petit à petit instauré un climat de méfiance mutuelle.

C’est un problème qui semble insoluble. Le 29 novembre dernier, l’Exécutif de la Ville décidait  de «municipaliser» l’animation socioculturelle à Lausanne, gérée par la FASL (Fondation pour l’animation socioculturelle lausannoise). Une décision qui a fait l’effet d’une douche froide pour l’ensemble de celles et ceux qui y travaillent.  A l’origine de celle-ci: le refus, par la FASL, d’accepter une des deux variantes de réorganisation interne qui lui étaient  proposées par la Municipalité.

Deux audits
Pour comprendre cette impossible entente entre les pouvoirs publics et l’animation socioculturelle, il faut revenir aux deux évaluations demandées par la Ville sur la politique d’animation socioculturelle. La première à l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP), l’autre au Contrôle des finances de la Ville (CFL).
Perçus comme une remise en doute de la qualité de leur travail par les milieux de l’animation, ces audits répondaient avant tout au besoin de mieux coordonner le rôle de chacun dans ce domaine. «Il y avait des difficultés à se mettre d’accord et les démarches pour échanger des informations étaient souvent laborieuses», indique David Payot, municipal en charge des quartiers.
Le problème: la gouvernance
A la suite de la publication des deux rapports d’évaluation, autant la Ville que la FASL semblaient d’accord sur le fait que chacune devait quitter le conseil de fondation de cette dernière, et en instaurer un neutre. Ceci afin d’éviter les conflits d’intérêts, l’ingérence, et l’ambiguïté des rôles de chacun, notamment la double casquette de la Ville, à la fois mandant et financeur, mais également la position de la FASL, à la fois mandataire et employeur.
Mais après presque deux ans de travaux réalisés par la FASL pour redéfinir ses statuts en se basant sur les recommandations des évaluations, et en accord avec la Ville, la Municipalité propose, dans sa première variante, de conserver le statu quo, et donc de ne pas accepter les nouveaux statuts. «Personne ne s’attendait à cela, remarque Philippe Lavanchy. Cela nous a paru être un revirement complet.» La deuxième variante, qui acceptait les nouveaux statuts, imposait que la Ville soit signataire de toutes les conventions signées entre la FASL et les associations (conventions tripartites). Un point auquel se refusait catégoriquement la FASL depuis qu’il avait été évoqué la première fois, en avril dernier. D’où cette situation de blocage.
Manque de confiance
Aujourd’hui, les professionnels de l’animation ont perdu confiance en la Municipalité. Ils craignent que l’Exécutif ne fasse de l’animation socioculturelle un programme uniforme, dicté dans ses moindres détails, où ils ne deviendraient que des exécutants des missions imposées. «L’animation se construit avec les citoyens en fonction des quartiers, et a besoin, pour cela, d’autonomie sur le terrain, car une partie de l’animation n’est pas programmable», détaille Philippe Lavanchy. Or la Ville se refuse à n’être que le porte-monnaie de l’animation socioculturelle et souhaite «pouvoir exprimer des besoins qu’elle identifie dans les quartiers, en complément de ceux identifiés par les associations et les professionnels», indique David Payot.
Encore de l’espoir?
En «municipalisant» le processus, la Ville s’est engagée à reprendre l’ensemble du personnel de la FASL. «Rien ne va changer pour l’instant, affirme David Payot. Nous allons prolonger la convention, en attendant de régler les conditions de reprise des activités et du personnel.» A la suite d’une rencontre des syndicats avec la Municipalité le lundi 10 décembre, il ne semble pas encore totalement exclu qu’une nouvelle réflexion soit menée pour tout de même trouver une meilleure solution. De leur côté, les centres d’animation n’ont pas traîné pour mettre en circulation une pétition qui demande de mettre un terme à la «municipalisation» et de reconnaître le droit à l’autodétermination des professionnels de l’animation. Jeudi dernier, ils battaient le pavé, place de la Riponne, pour faire de même!

De l'art de se brûler les ailes, l'éditorial de Philippe Kottelat

Entre la Ville et la Fondation pour l’animation socioculturelle lausannoise (FASL), les tensions existaient depuis longtemps. Elles ont débouché la semaine dernière sur une décision drastique: la reprise en main sine die par la première nommée de toute l’animation socioculturelle dans les quartiers lausannois.  
Mais pouvait-il en être autrement? A bien y regarder, non! Car comment peut-on imaginer qu’une entité publique qui verse chaque année 11 millions de francs   - une partie de nos impôts - à une fondation ne puisse pas, au minimum, avoir un droit de regard sur son fonctionnement?  Comment peut-on imaginer que cette même fondation, à laquelle il a été demandé de redéfinir sa gouvernance, ne trouve aucune réponse à apporter plus d’un an après la formulation de celle-ci? La FASL a joué avec le feu. Elle s’est brûlée les ailes. Elle ne doit, aujourd’hui, que s’en prendre à elle-même.
Reste bien sûr maintenant à mesurer les conséquences que cette décision aura sur le terrain. Car, comme le répète à l’envi Philippe Lavanchy, le président de la FASL, «il y a un écart entre la gestion d’une politique publique et les valeurs fondamentales de l’animation socioculturelle (...)  qui s’imbibe du terrain». C’est vrai! Et en ce sens, la reprise en main de la Ville ne doit pas aller trop loin , car il sera effectivement difficile pour elle d’assumer une tâche qui nécessite non seulement une forte implication au quotidien sur le terrain, mais doit laisser aussi une part d’autonomie à celles et ceux qui en sont les dépositaires.
Une part d’autonomie, mais  pas toute l’autonomie, comme l’affirme  la pancarte que vous pouvez voir sur la photo ci-contre. Car, quand on vit de l’argent public, il y a des règles à respecter et des devoirs à remplir. Dommage que certains ne l’aient pas compris!