«Quand il y a le feu à la maison, on ne s’occupe pas du futur papier peint, mais d’éteindre l’incendie.»
Un médecin vaudois
Variole, poliomyélite, tuberculose, tétanos, rage… Autant de noms de maladies qui ne nous disent quasiment plus rien, renvoyés dans les méandres de nos mémoires collectives. Tout simplement parce que l’immense majorité d’entre nous n’en a jamais été affectée et n’a même jamais rencontré de sa vie une personne qui en a souffert. Et pour cause: toutes ces maladies ont été soit totalement éradiquées de la surface de la planète, soit largement contrôlées au point de quasiment disparaître de nos contrées. Et le responsable de cette performance inédite dans l’histoire de l’humanité, qui a permis d’empêcher des dizaines et des dizaines de millions de morts, a un seul nom: vaccination. Autant dire que l’on a du mal à comprendre la méfiance que celle-ci suscite aujourd’hui à l’heure où pourtant la vaccination se profile comme la seule possibilité à court terme d’endiguer la pandémie de coronavirus.
Peur des effets secondaires
«C’est un paradoxe, constate un historien de la santé vaudois: en fait, la vaccination a été victime de son succès. Car au fur et à mesure de la disparition ou de la raréfaction des maladies contre lesquelles les vaccins protègent, leurs effets secondaires et les erreurs vaccinales ont de plus en plus été perçus comme intolérables par la population, surtout quand il s’agit de prévenir une maladie chez quelqu’un en bonne santé». Et d’ajouter: «Qui se souvient des terribles poumons d’acier dans lesquels étaient enfermés à vie les malades de la polio? Qui sait encore que le vaccin reste le seul traitement si on est mordu par un chien qui a la rage? Que la variole tuait un patient contaminé sur trois?» Au départ en effet, que pesaient les problèmes vaccinaux face aux dizaines de millions de morts et de malades causés par les maladies infectieuses qui ont ravagé des générations entières? Car des problèmes vaccinaux il y en a évidemment, et l’histoire de la médecine en est largement émaillée. Le premier vaccin contre la poliomyélite, par exemple, a été à l’origine de la survenue de la maladie chez 200 personnes environ, un incident isolé dû au final à… une mauvaise inactivation du virus. Et le vaccin contre l’hépatite B a longtemps été soupçonné d’induire des scléroses en plaques.
Un débat récurrent
Deux exemples qui, sans entrer dans le débat de leur confirmation par des études scientifiques, nourrissent dans la mémoire collective la suspicion dont fait l’objet la vaccination. Avec une question lancinante: faut-il ou pas se faire vacciner? «En réalité, cette question n’est pas la plus pertinente, ajoute un généraliste lausannois. Car la seule question qui vaille est celle du coût-bénéfice. Que gagne-t-on à se faire vacciner, que perd-on si on ne se fait pas vacciner? C’est d’ailleurs au fond, la question que l’on devrait se poser lorsque l’on prend n’importe quel médicament car toute substance a toujours potentiellement des effets secondaires.»
Dans le cas de pathologies à hauts risques en termes de mortalité ou de séquelles, le ratio coût-bénéfice penche à l’évidence pour la vaccination, en dépit des effets secondaires possibles de celle-ci, statistiquement minimes face aux dégâts occasionnés par les maladies. Le débat est plus ouvert pour des maladies moins létales comme la rougeole qui peut quand même tuer, les oreillons qui rendent les garçons stériles, etc... «Dans ces cas-là, il appartient à chacun d’évaluer le risque qu’il veut prendre, faire prendre à ses enfants, voire même aux autres quand il s’agit de maladies très contagieuses» ajoute le généraliste.
Et pour la Covid? Clairement la pesée des intérêts est plus difficile, rendue délicate par les incertitudes liées aux effets secondaires à long terme des vaccins actuellement disponibles, les effets à court terme semblant quant à eux s’inscrire dans ceux, transitoires, que l’on observe d’ordinaire dans toute vaccination: douleur et inflammation au point d’injection, courbatures fièvre et fatigue, etc. Sauf qu’en l’occurrence, le péril est immédiat: «Quand il y a le feu à la maison, résume notre généraliste, on ne s’occupe pas du futur papier peint, mais d’éteindre l’incendie. Au moins pour les personnes identifiées comme étant à risques, la question de la vaccination ne se pose même pas. Quant aux autres, à elles de faire leur choix en toute conscience, en tenant compte du fait que des personnes jeunes et sans risque connu se sont retrouvées en réanimation.»