Hors des villes, la voiture reste le moyen de transport le plus performant

MOBILITE • A l’heure où les politiques opposent de plus en plus la voiture aux transports en commun, nous avons voulu évaluer l’efficacité de ces deux modes de déplacement grâce à l’un des critères les plus importants, celui de la rapidité. Qui l’emporte? Réponse chiffrée… et nuancée.

  • Entre les villes et la campagne, la qualité de desserte du territoire par les transports publics varie fortement. LC

    Entre les villes et la campagne, la qualité de desserte du territoire par les transports publics varie fortement. LC

«Nous savons que la voiture restera indispensable» Nuria Gorrite, conseillère d’Etat

Précisons-le d’emblée, notre comparaison a été effectuée dans un monde idéal. Un monde où il n’existe aucun bouchon et où les transports en commun (bus ou train) arrivent dans la seconde. Etant donné que notre méthode favorise les deux protagonistes de notre comparatif, les résultats ne souffrent donc d’aucun déséquilibre. Deuxième précision importante, nous nous sommes appuyés sur les sites référence de cartographie en ligne, à savoir Google Maps, Waze et ViaMichelin. Nous avons demandé à ces derniers le temps de trajet nécessaire, en voiture et en transports publics, pour rejoindre Lausanne. Après avoir simulé les temps de trajet d’une bonne cinquantaine de communes vaudoises, une conclusion s’impose: les transports publics sont plus efficaces pour les citadins et la voiture s’impose toujours pour les habitants des périphéries et des campagnes.

Campagne pénalisée

Prenons l’exemple d’un pendulaire qui habite à Thierrens dans le district de la Broye. S’il souhaite rejoindre la place Saint-François pour se rendre à son travail, il lui faudra en moyenne 49 minutes en transports publics et 33 en voiture. La différence est encore plus importante pour un habitant de Froideville qui mettra 23 minutes pour rejoindre la capitale vaudoise au volant de son automobile et 43 minutes en bus. Et quand il s’agit de faire le lien entre deux villages situés en pleine campagne, les transports publics se montrent encore moins efficaces. Un exemple? Pour atteindre Gimel depuis Le Vaud, le trajet prend dix minutes en voiture et… 45 minutes en bus.

Faut-il en déduire que ceux qui ont fait le choix de vivre en dehors des centres urbains sont condamnés à préférer la voiture aux transports publics? Nuria Gorrite, conseillère d’Etat en charge de la culture, des infrastructures et des ressources humaines, n’est pas loin de le penser: «Nous savons que la voiture restera indispensable dans nombre de situations, notamment pour les personnes qui font le choix d’élire domicile à bonne distance de l’agitation des centres urbains, et donc de leurs atouts évidents en matière d’accès facilité aux transports en commun. Mais l’action du Canton vise à donner le choix à toutes et tous, sans opposer les régions ni les modes de transport, de pouvoir se passer de voiture lorsque c’est possible.» Marc-Olivier Buffat, président du PLR Vaud, complète: «Il faut relever les efforts conséquents pour développer les transports publics dans l’ensemble du canton de Vaud. Les travaux effectués ces dix dernières années sur la ligne du LEB ou le Léman Express en sont la preuve.»

Privilégier le multimodal

La présidente des Verts vaudois, Alice Genoud, mise quant à elle sur la petite reine pour combler le fossé entre ville et campagne: «Ces dernières années ont montré à quel point le vélo électrique permettait par exemple de faire des distances qu'on considérait auparavant importantes pour atteindre par exemple une gare, puis continuer son trajet en transport public.» Sans surprise, son prédécesseur et actuel syndic de Daillens, Alberto Mocchi, va dans le même sens: «La voiture, ou le vélo électrique par exemple, peuvent permettre de faire un bout du trajet, et ensuite passer le relais au train ou à des bus pour une autre partie de celui-ci. La grande majorité des Vaudois vit en effet à quelques kilomètres d'une gare lui permettant de rejoindre en un temps raisonnable Lausanne. Si on reprend l'exemple de Thierrens, il faut 15 minutes en voiture depuis ce village pour rejoindre Echallens, et ensuite 25 minutes en LEB pour atteindre le centre-ville de Lausanne.» Kevin Grangier, président de l’UDC Vaud, dresse un tout autre constat: «Les transports publics sont aussi efficaces que la voiture pour relier les villes-centres entre elles et dans leur propre périmètre qu’inefficaces dans tous les autres cas. C’est le cœur du problème car ce qui est déterminant en matière de mobilité, c’est le temps du trajet et c’est pour ça que la mobilité individuelle est incontournable pour l’écrasante majorité des gens et des entreprises.»

L’électrique peut-il réconcilier tout le monde?

Considérée à juste titre comme bruyante et polluante, la voiture sera-t-elle toujours pointée du doigt quand la majorité des Vaudois seront passés à l’électrique? Nuria Gorrite nuance: «Les voitures électriques posent des défis similaires aux voitures thermiques en termes de place occupée, de stationnement et d’engorgement du trafic.» Et Alice Genoud de rappeler: «La voiture électrique reste polluante dans sa construction et son recyclage. On se rend également de plus en plus compte à quel point la voiture, quelle qu'elle soit, prend une place énorme, bétonne des surfaces immenses, alors qu'aujourd'hui nous en manquons. La voiture électrique peut être une solution, notamment pour les personnes qui ne peuvent se passer d’un véhicule automobile, mais pas la solution pour résoudre la crise climatique dans laquelle nous sommes.»

Kevin Grangier préfère miser sur la liberté individuelle: «Cette opposition est le fait d’idéologies politiques qui draguent certains électeurs en chicanant les automobilistes. A l’UDC, nous ne menons aucune guerre de la mobilité et nous plaidons pour que chacun puisse se mouvoir en toute liberté et en toute responsabilité.»

Les habitudes de mobilité des élus vaudois varient peu

Lorsqu’il s’agit de faire leur propre bilan en matière de mobilité, les élus vaudois semblent enfin s’accorder. Alice Genoud, la présidente des Verts, admet pratiquer la multimodalité: «Avec principalement du vélo ou de la marche pour les courts trajets et les transports publics pour les plus longs et il m'arrive bien sûr de prendre une voiture en car-sharing pour des transports lourds ou me rendre dans des lieux plus difficiles d'accès.» La conseillère d’Etat Nuria Gorrite se dit aussi multimodale: «Je suis devenue une adepte du vélo électrique il y a environ un an. Durant la belle saison, j’essaye de l’utiliser un maximum pour mes déplacements entre la maison et le bureau. J’utilise aussi ma Vespa. En hiver, lorsque la météo se dégrade et que les journées sont plus courtes, c’est plutôt la voiture. Lorsque j’ai des séances à Zurich ou Berne, je prends le train et les transports publics.» Même son de cloche du côté du président de l’UDC Vaud, Kevin Grangier: «Comme beaucoup de Suisses, je me déplace en voiture et en transports publics, sans en faire un motif de revendication politique.» Quant à Marc-Olivier Buffat, ayant choisi de travailler et de vivre à Lausanne, il effectue l’essentiel de ses trajets à pied: «Pour le reste, mon épouse et moi-même ne disposons que d’un seul véhicule à moteur et de deux vélos électriques.»