Christophe Reymond Directeur du Centre patronal vaudois: Non !
|
Alberto Mocchi, Président des Verts vaudois: Oui! |
Lausanne Cités: La Suisse perd presque 1 mètre carré de zone verte par seconde. L’initiative propose d’y remédier par des mesures «concrètes et efficaces». Vous la jugez cependant superflue et nuisible. Pourquoi ? Christophe Reymond: Des mesures concrètes et efficaces ont déjà été prises et sont en train d’être mises en œuvre. Le droit actuel, révisé en 2013, prévoit passablement de limitations à l’augmentation des zones à bâtir qui doivent répondre aux besoins prévisibles pour les quinze prochaines années. Les cantons sont en train de mettre en œuvre cette révision, ce qui engendrera passablement de réductions des zones à bâtir. Ces zones, utiles également pour la construction d’écoles, d’hôpitaux et terrains de football, représentent 5 % de la superficie totale de la Suisse, et la surface agricole 41 %. Nous sommes donc loin du bétonnage à tout crin de la Suisse. Ce que les partisans de l’initiative reprochent au droit en vigueur, c’est qu’il n’empêche l’étalement urbain que pour une durée de 15 ans. Que leur répondez-vous? Qu’un tel système permet de tenir compte de l’évolution démographique, des besoins de la population et de l’économie. Au contraire de l’initiative qui fige, de manière définitive, les zones à bâtir même celles qui deviendraient surdimensionnées. Face aux multiples refus de la population de densifier et de construire en hauteur, n’y a-t-il pas un risque que l’urbanisation continue de s’étaler? Les volontés de la population sont parfois contradictoires dans la mesure où le peuple suisse a accepté la révision de la LAT qui vise à densifier le milieu bâti et que des projets de densification font l’objet de multiples oppositions. Cela dit, le droit actuel limite l’emprise des zones à bâtir et l’étalement urbain, notamment par la réduction des zones à bâtir. L’initiative demande en tous cas que pour chaque nouvelle zone à bâtir créée, une superficie de taille au moins identique soit rendue à l’usage agricole. Voilà qui garantit une agriculture durable contrairement à ce que vous affirmez… L’initiative va passablement entraver le développement de l’agriculture et générera une forte hausse des importations. Car elle prévoit que, hors zone à bâtir, seules les constructions et installations qui sont destinées à l’agriculture dépendante du sol pourraient être autorisées. Par exemple, la construction pour l’élevage d’animaux ou la production d’œufs ne seraient pas autorisées. Il est donc erroné de prétendre que l’initiative garantit une agriculture durable. D’ailleurs, la plupart des milieux agricoles s’oppose à cette initiative. Vous prétendez aussi qu’elle entraînerait une pénurie de logements... Suite à la révision de la LAT, les réserves de zones à bâtir vont être drastiquement réduites et elles ne permettront plus de loger autant d’habitants. L’initiative gèlera de manière illimitée dans le temps ces surfaces réduites, ce qui raréfiera les zones à bâtir, favorisera la pénurie de logements et provoquera une hausse du prix de celles-ci qui se répercutera fatalement sur les loyers.
|
Lausanne Cités: La mesure-phare de votre initiative prévoit que toute nouvelle parcelle à bâtir doit être compensée par le dézonage d’une parcelle de valeur équivalente ailleurs. Or la Loi sur l’aménagement du Territoire prévoit déjà cela. N’est-elle donc pas superflue? Alberto Mocchi: La LAT permet certes de ralentir le mitage, mais ne l’arrête pas. 1m2 de terres agricoles disparaît chaque seconde sous le béton en Suisse, et en 30 ans c’est l’équivalent de la superficie du lac Léman qui a été bétonnée. Il est donc essentiel d’agir de manière décidée, et de renforcer la protection de nos terres agricoles et de nos magnifiques paysages. On risque sinon de léguer aux générations futures une vaste étendue de ciment couvrant le Plateau de Genève au lac de Constance. Mais si on construit moins, on risque de voir le prix des terrains, donc les loyers, augmenter. Que répondez-vous ? C’est faux! Il y a en Suisse la place pour accueillir près de 2 millions d’habitants avec les zones à bâtir encore à disposition, on est donc loin de la pénurie. Si les loyers augmentent, c’est qu’il y a une inadéquation entre ce qui se construit (beaucoup de logements de luxe, des PPE et des 6 pièces ou plus) et les besoins de la classe moyenne, qui cherche plutôt des 3 ou 4 pièces à loyers abordables. Il faut donc avant tout construire mieux! Je rappelle par ailleurs que les milieux de l’immobilier qui crient aujourd’hui à la hausse des loyers n’ont jamais rien fait pour contrer cela, et ont au contraire toujours combattu toute initiative visant à les faire baisser. Qu’il me soit donc permis de douter de leur sincérité… Cela dit, avec votre initiative, fini la villa individuelle, tout le monde va devoir (re)venir habiter en ville... Non, les campagnes pourront continuer à se développer, mais en protégeant mieux les surfaces agricoles et les paysages. C’est d’ailleurs aussi dans l’intérêt de nos villages de garder leur âme et de ne pas se transformer en cités-dortoirs. Reste que si elle est acceptée, elle ne sera pas facile à mettre en œuvre. Les outils et les instruments, notamment pour lutter efficacement contre la hausse des loyers et du prix des terrains, manquent ou n’existent pas… Non, car l’initiative «stop mitage» pose des principes simples et clairs, qu’il sera plus facile d’appliquer que certaines dispositions actuelles parfois très complexes. Les outils pour lutter contre la hausse des loyers existent par ailleurs déjà, comme la Loi vaudoise sur la promotion et préservation du parc locatif (LPPPL), acceptée en votation en 2017 et qui commence à déployer ses effets. Enfin, en voulant tout centraliser, ne foule-t-elle pas aux pieds le principe du fédéralisme? L’aménagement du territoire doit être au service du bien commun et des générations futures. Les cantons ont et auront toujours leur mot à dire, mais il est normal qu’un cadre soit posé au niveau fédéral, pour éviter que des intérêts particuliers ne se substituent à l’intérêt général, et qu’à la fin ce soit à la population de payer les pots cassés. |