Interdire les éléphants roses?

Cher lecteur, attention, concentrez-vous et surtout, surtout, ne pensez pas à un éléphant rose…

Susciter une idée est suffisante pour faire entrer l’objet dans le monde du réel, du moins devient-il réel dans notre imaginaire. Le prétendu problème de la burqa en Suisse est un problème d’éléphant rose: il existe seulement parce qu’on en parle. Les fédérations islamiques du pays se sont exprimées en défaveur de cet habillement et il n’existe aucun chiffre fiable sur le nombre de burqas en Suisse. Un vote sur la burqa est un vote sur des éléphants roses…

Mieux vaut prévenir que guérir, diraient certains. Sauf que là, «prévenir» veut dire nuire. Récemment, la Commission fédérale contre le racisme a constaté que les médias stigmatisent les musulmans de Suisse. Des faits négatifs et anecdotiques font l’écrasante majorité de la couverture médiatique concernant notre communauté: radicalisation, terrorisme, burqa, etc. En conséquence, la population développe une peur irrationnelle, ce qui permet de produire d’autres faux problèmes et ainsi de suite. Ce ne sont pas les modérés qui en profitent. Il faut se voiler la face pour ne pas comprendre le jeu. Mais qui ne voudrait pas voler au secours d’une femme manifestant une sorte de sociopathie ou éventuellement souffrant d’une contrainte misogyne qui la fait disparaître sous une telle couverture? Oui! Sauf qu’interdire le symptôme ne guérit pas le mal. Victime soumise pour les uns, incarnation du mal pour les autres, je peine à trouver un point positif là dedans pour reconstruire une identité saine. Et une fois le tissu interdit sur la tête, l’esprit, sera-t-il vraiment libéré?

Problème quasi inexistant, solution proposée très discutable, dynamique enclenchée stigmatisante et bénéficiant les extrêmes... En ce qui me concerne, pas besoin d’une calculatrice pour faire les comptes.