La Côte, reine du Chasselas devant Lavaux?

VITICULTURE • Le Chasselas de La Côte a le vent en poupe. Pour la quatrième année consécutive, un de ses représentants a récemment une nouvelle fois remporté le Mondial du Chasselas, à Aigle. Les médailles s’accumulent et viennent récompenser un énorme travail de fond. Aux dépens de Lavaux?

  • Féchy, un des terroirs emblématiques de LA Côte. Nicolas Bay

    Féchy, un des terroirs emblématiques de LA Côte. Nicolas Bay

Sur le territoire de La Côte, on jubile. Notamment du côté de Tolochenaz. Après avoir remporté le prix du Meilleur Chasselas du Monde en 2016 avec un Morges Vieilles Vignes 2015, la Cave de La Côte vient à nouveau de s’illustrer en montant une fois encore sur la première place du podium de ce prestigieux concours avec La Montoise Esprit Terroir, Mont-sur-Rolle 2017. Une récompense de plus puisqu’elle s’était aussi distinguée en ce début d’année en remportant le prix du Meilleur Chasselas lors de la «Sélection des Vins Vaudois 2018», avec La Bâtie 1er Grand Cru 2016.

Des vins dans l’air du temps

C’est presque devenu une habitude. Ces quatre dernières années, dans le cadre de concours, les Chasselas de La Côte ont souvent damé le pion à ceux de Lavaux en remportant de nombreuses médailles d’or, comme lors de ce récent Mondial du Chasselas qui se déroule chaque année à Aigle. En 2015, les Caves de la Ville de Morges s’y étaient imposées avec leur Morges Grand’Rue, alors qu’en 2017 c’est un Féchy, Réserve des Sociétaires de la Sociéte des Caves de producteurs Mont-Féchy qui coiffait tout le monde au poteau.

Pourquoi? «Parce que nous sommes les meilleurs», commente avec beaucoup d’humour Alain Bettems, le patron des Cave de la Crausaz, à Féchy, lui aussi souvent primé. Avant d’ajouter sur un ton plus sérieux: «Derrière cette réussite, il y a de la rigueur et beaucoup de travail. Les efforts consentis pour arriver au premier plan sont en train de porter leurs fruits.»

Même son de cloche de la part de Rodrigo Banto, œnologue responsable à Cave de la Côte. «Ces résultats démontrent que le terroir de La Côte se prête parfaitement à la production du Chasselas. La qualité du sol et de la vigne, le soin apporté à la culture, le travail et la passion des vignerons de cette région ont fait le reste et permettent aujourd’hui de produire des vins d’exception.» Des vins qui sont en tous cas dans l’air du temps, comme le souligne Marc Vicari, le directeur des Caves de Morges. «Nos vins blancs sont aujourd’hui élégants, subtils et très digestes. Ils plaisent.»

Un combat La Côte-Lavaux?

Est-ce dire dès lors qu’ils sont en train de supplanter les crus réputés de Lavaux? Pour le journaliste Alexandre Truffer, rédacteur en chef adjoint de la revue Vinum et membre du comité d’organisation du Mondial du Chasselas, il ne faut pas aller trop vite en besogne. A ses yeux, le travail réalisé sur La Côte, «une région qui a été longtemps négligée», est effectivement en train de porter ses fruits. «Contrairement à Lavaux qui a beaucoup été portée aux nues et où une élite maintient une production de très haut niveau, sur La Côte ce sont tous les vignerons qui se sont retroussés les manches et sont capables aujourd’hui de remporter des médailles. Et comme ils sont plus nombreux qu’à Lavaux, cela augmente tout naturellement leurs chances d’en obtenir.»

«Il faut relativiser!», analyse pour sa part Jérôme Aké Béda, considéré comme l’un des plus fins connaisseurs du monde du Chasselas. «Les vins de La Côte, comme ceux d’autres régions vaudoises, le Vully ou les Côtes de l’Orbe par exemple, ont, c’est vrai, pris l’ascenceur ces dernières années. Par le passé, on considérait qu’elles produisaient des vins «verts», parfois imbuvables. Ça a changé, parce qu’au-delà du travail de fond accompli par leurs vignerons, elles ont bénéficié de plein fouet du réchauffement climatique qui leur permet aujourd’hui de produire des vins d’excellente facture, avec plus de gras et plus d’arômes.» Le sommelier de l’Auberge de l’Onde se montre toutefois plus dubitatif concernant les concours. «Certains y participent, d’autres pas », note-t-il. Avant d’ajouter: «Pour moi, le seul qui a vraiment de la valeur, c’est “Les Lauriers de Platine” de Terravin qui réunit les mêmes dégustateurs autour d’une seule table et qui procèdent ensemble par élimination.» Pour le reste, Jérôme Aké Beda estime qu’il ne faut pas être réducteur et qu’un terroir ne supplantera jamais un autre terroir. «Un Dézaley restera toujours un Dézaley, comme un Calamin restera toujours un Calamin.» Avant de conclure: «Il y a aussi de magnifiques terroirs sur La Côte, Féchy et Mont-sur-Rolle en sont les parfaits exemples.»Philippe Kottelat