La Suisse se lance dans la 5G sans garanties pour la santé

Les opérateurs de téléphonie mobile suisse s’apprêtent à lancer le réseau 5G entre 2019 et 2020.

170 chercheurs internationaux ont lancé un appel pour demander un moratoire en raison des dangers éventuels du rayonnement non ionisant sur la santé humaine.

Parmi eux deux Suisses, dont un scientifique vaudois, motivé essentiellement par l’impact des réseaux mobiles sur le comportement des abeilles.

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<blockquote>«Le déploiement de la 5G revient à mener des expériences sur les êtres humains et l’environnement»</blockquote> 170 scientifiques internationaux

Tous les opérateurs de téléphonie mobile de Suisse sont dans les starting-blocks. Salt prévoit sont lancement pour le troisième trimestre ou l’été 2019 au plus tard. Sunrise vient de mettre en service la première antenne de Suisse à côté de son siège à Zurich, tandis que Swisscom a déjà commencé à construire son réseau comme par exemple à Berthoud, dans le canton de Berne.

Il faut dire que l’enjeu est d’importance: la 5G, c’est un peu la future giga-autoroute de données de la téléphonie mobile du futur. Grâce à une augmentation considérable de la bande passante, l’utilisateur pourra surfer jusqu’à 100 fois plus vite que ce que permet l’actuelle 4G, avec aussi la perspective d’un nombre démultiplié de connexions et d’usages pour l’économie, l’industrie et la santé, domaines où les objets connectés vont devenir la règle.

Appel de 170 scientifiques

Avec de telles perspectives, tout serait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, si, car il y a un si, l’absence de dangerosité de la 5G pour la santé humaine était définitivement prouvée. En septembre 2017, plus de 170 scientifiques issus de 37 pays ont signé un appel demandant un moratoire sur le déploiement de la 5G: «Nous soussignés, médecins, scientifiques, et membres d’organisations environnementales de nombreux pays, demandons urgemment l’arrêt du déploiement du réseau sans fil de 5G y compris depuis les satellites spatiaux», peut-on y lire dans son préambule. «La 5G entraînera une augmentation considérable de l’exposition au rayonnement de radiofréquence, qui s’ajoutera au rayonnement induit par les réseaux de télécommunications déjà en place. (...) Le déploiement de la 5G revient à mener des expériences sur les êtres humains et l’environnement, ce qui est considéré comme un crime en vertu du droit international.»

Parmi les scientifiques qui ont signé l’appel international, deux Suisses, le médecin suisse-allemand Peter Meier, et le biologiste vaudois Daniel Favre. «Après avoir personnellement constaté les effets délétères de la téléphonie mobile sur le comportement des abeilles mellifères, et publié ces résultats dans une revue scientifique de haut niveau et à comité de lecture, je me devais de signer cet appel international, puisqu’un insecte absolument indispensable à la pollinisation, l’abeille mellifère, est en grand danger», explique ce dernier.

Alors dangereuse ou pas la 5G? «Nos spécialistes spécialement formés à cet effet observent attentivement la recherche. Sur cette base, nous ne pouvons pas appréhender les conclusions de ces scientifiques. Swisscom n’est toutefois pas un laboratoire de recherches», commente Alicia Richon, porte-parole de Swisscom, qui ajoute: «Il est impossible de garantir l’innocuité de la 5G, et ce pour pratiquement toute technologie. Toutefois, les preuves scientifiques actuelles n’indiquent aucune nocivité sanitaire.»

Elément qui se veut rassurant: le fait que la Suisse applique des normes particulièrement restrictives en matière de rayonnement non ionisant: «Les limitations préventives des émissions définies en Suisse sont, aujourd’hui, très largement inférieures à celles en vigueur dans d’autres pays européens», observe ainsi Viola Lebel, responsable de la communication chez Salt».

«Jusqu’à présent, la recherche n’a montré aucun effet nocif sur la santé. Même si tout n’a pas encore été complètement clarifié scientifiquement, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) estiment que les limites et directives existantes offrent une protection suffisante, pour les hommes ainsi que pour les animaux», ajoute Rolf Ziebold, chargé de communication du Sunrise.

La porte-parole de Swisscom se veut encore plus précise: «La technologie 5G sera en premier lieu exploitée à la fréquence 3,5 GHz. Les signaux transmis dans ces longueurs d’onde diffèrent à peine des fréquences légèrement plus basses telles qu’elles sont utilisées depuis des décennies. Selon le consensus scientifique actuel en la matière, il n’existe aucune preuve de danger pour l’homme et l’environnement. Des fréquences plus élevées d’environ 30 GHz ne seront utilisées que quelques années plus tard. Ces plages de fréquences font également l’objet de valeurs limites qui protègent contre tous les effets nocifs connus aujourd’hui. Mais il reste quelques questions en suspens, auxquelles une recherche de qualité doit apporter des réponses».

Tardif groupe de travail

Afin de répondre aux «questions en suspens», la conseillère fédérale Doris Leuthard a mis sur pied, au mois de septembre dernier, un groupe de travail sous l’égide de l’Office fédéral de l’environnement, et dont la mission est «d’étudier les outils nécessaires à l’instauration d’un réseau 5G et des risques qui en découlent», et dont les recommandations seront présentées à la mi-2019. Un peu tard lorsque l’on prend en compte les gigantesques investissements qui auront déjà été consentis par les opérateurs de téléphonie mobile.