La voiture électrique, écolo mais dans certaines conditions

Alors que les ventes de voitures électriques s’envolent, se pose la question de leur bilan écologique.
Dans certaines conditions ce bilan peut même être pire que celui des voitures thermiques.
Lausanne Cités fait le point des avantages comparés de l’une et de l’autre.

  • Faire l’acquisition d’une voiture électrique ne garantit pas l’absence d’impact sur l’environnement. 123RF

    Faire l’acquisition d’une voiture électrique ne garantit pas l’absence d’impact sur l’environnement. 123RF

«Mieux vaut installer sur sa voiture des panneaux solaires ou acheter de l’électricité renouvelable auprès de son distributeur d’électricité»

Denis Bochatay, Senior sustainability consultant chez Quantis

Ça y est! Vous venez de faire l’acquisition d’une magnifique et silencieuse voiture électrique, et vous avez désormais bonne conscience! Vous avez fait votre part pour léguer une planète - relativement - plus propre aux générations futures, et vous pouvez dormir sur vos deux oreilles.

Seulement voilà. Votre bonne conscience n’est peut-être que factice, et pour être électrique votre nouvelle acquisition n’en est pas pour autant forcément plus propre qu’une voiture thermique classique. Et depuis plusieurs mois, face à la montée en puissance de la voiture électrique, une bonne partie de l’industrie automobile classique remet en cause leur bilan écologique, pas si efficient que ça.

«Le monde est fou s’est ainsi insurgé Carlos Tavares, patron de PSA, deuxième constructeur automobile français, dans des propos rapportés sur le réseau social facebook. Le fait que les autorités nous ordonnent d’aller dans une direction technologique, celle du véhicule électrique, est un gros tournant. (Mais) je ne voudrais pas que dans 30 ans on découvre quelque chose qui n’est pas aussi beau que ça en a l’air».

Alors écolo ou pas la voiture électrique? Voici la réponse, en plusieurs points.

Production de la voiture

Les batteries de voitures électriques pèsent en moyenne 200 kg. A l’évidence, on émet donc plus de gaz à effet de serre pour produire une voiture électrique qu’une voiture classique. Ceci d’autant que la production de batteries implique l’extraction de minerais rares dans des pays où les conditions écologiques et sociales sont éminemment discutables.

Avec un petit bémol, lié aux tendances actuelles: en raison de la multiplication des SUV, dont le public est de plus en plus friand, les voitures thermiques sont de plus en plus lourdes, ce qui tempère un peu leur avantage comparatif, et gonfle d’autant, toutes proportions gardées, l’utilisation de minerais pour les produire.

Utilisation de la voiture

A priori, n’émettant pas de gaz à effet de serre, l’intérêt des véhicules électriques devrait être évident. Sauf qu’il faut s’interroger sur l’origine de l’électricité utilisée par le véhicule. Si celle-ci est issue d’une production solaire hydraulique ou éolienne, le bilan sera dans ce cas en faveur de la voiture électrique malgré la production de la batterie, et ce à condition que durant toute sa vie, la voiture roule au moins 50’000 kilomètres. Si en revanche, la voiture est alimentée par de l’électricité produite par la combustion de charbon (Chine, Pologne, par ex) le bilan de la voiture sera même pire que celui de la voiture thermique.

En Suisse, en termes d’émissions de CO2, le mix électrique est plutôt bon (60% hydraulique, 40% nucléaire), la voiture électrique peut donc être intéressante, même si la question du devenir des déchets nucléaires est très loin d’être résolue. Le problème, c’est que les réseaux européens étant interconnectés, il risque bien de vous arriver de recharger votre voiture avec de l’électricité... provenant de pays qui ont recours au charbon. «Pour être sûr de l’origine de son électricité, explique Denis Bochatay, Senior sustainability consultant chez Quantis, un cabinet de conseil spécialisé dans l’accompagnement d’entreprises afin de mesurer, comprendre et gérer les impacts environnementaux de leurs produits, services et activités, mieux vaut installer des panneaux solaires ou acheter de l’électricité renouvelable auprès de son distributeur d’électricité. »

Impact sur la santé

En termes de santé, le résultat est indiscutablement en faveur de la voiture électrique, sans la moindre hésitation. Dépourvue de pot d’échappement, celle-ci ne libère pas de gaz polluants là ou elles roulent, c’est-à-dire là où se concentrent les populations, un grand avantage dans nos cités européennes déjà largement polluées.

Et l’avenir?

L’automobile électrique relève de technologies et de circuits industriels encore très jeunes, alors que la voiture thermique a derrière elle un siècle d’existence et d’optimisation. C’est dire si son potentiel d’amélioration est grand pour les décennies à venir. Les conditions de production des batteries sont appelées à largement s’améliorer tandis que des filières de recyclages performantes devraient progressivement se mettre en place. Ceci alors que les conditions de production d’électricité propre d’origine renouvelable iront encore en s’améliorant dans la foulée des Accords de Paris.