Lausanne frileuse dans la féminisation des noms de rue

A Lausanne, sur 107 rues portant des noms de personnalités, 7 seulement font référence à des femmes.
Genève vient de carrément décider de débaptiser des rues pour les attribuer à des personnalités féminines.
Même si elle fait beaucoup, la Municipalité n’entend pas franchir ce pas, pourtant très symbolique.

  • A Genève, et pour faire pression sur les autorités, des mouvements féministes n’ont pas hésité à apposer des plaques de rues «féminines». DR

    A Genève, et pour faire pression sur les autorités, des mouvements féministes n’ont pas hésité à apposer des plaques de rues «féminines». DR

«La Municipalité est bien consciente que la place des femmes dans l’espace public est réduite aujourd’hui à une portion congrue»

Florence Germond, municipale

Les Genevois l’ont fait. Et les Lausannois ne le feront pas! Au mois d’août dernier, la Ville de Genève décidait de frapper un grand coup. Avec l’accord du Conseil d’état genevois, 10 noms de rues, parcs, places, avenues et autres lieux seront féminisés. Parmi ceux-ci, l’emblématique place Des Vingt-Deux Cantons, mais surtout des noms de personnalités connues comme Louis-Dunant, René-Louis-Piachaud, François-Bergalonne, Léonard-Baulacre qui devront donc laisser leur postérité au profit de personnalités féminines, comme Lise Girardin, Marguerite Dellenbach, etc.

Une démarche volontariste et inédite qui, au bout du lac, n’a pas suscité de réaction majeure et à laquelle Lausanne n’entend visiblement pas emboîter le pas, comme nous l’a confirmé la municipale Florence Germond, en charge de ce dossier. A Lausanne pourtant, il y a du pain sur la planche en matière de féminisation de noms de rue. Sur les 107 artères dont les noms se réfèrent à des personnes, seules 7, selon notre décompte, arborent des patronymes féminins. Autant dire qu’on est loin du compte, même si la Municipalité a pris compte de l’ampleur du déficit symbolique.

Politique volontariste

«La Municipalité est bien consciente que la place des femmes dans l’espace public est réduite aujourd’hui à une portion congrue, explique Florence Germond. C’est pourquoi la Municipalité a décidé de mener une politique volontariste en la matière sous différentes formes». Et il est vrai qu’en la matière des efforts ont été consentis, ou sont en voie de l’être. Dans le futur écoquartier des Plaines-du-Loup, les 4 premières rues auront des noms de femmes. En outre, une dizaine de lieux publics dépourvus de dénominations officielles porteront également des noms de femmes, et l’un d’entre eux face à l’Eglise Saint-Laurent, s’appellera même «Place du 14 juin», en hommage à la grève des femmes, l’année passée. «La Municipalité compte en outre poser prochainement 5 plaques commémoratives retraçant le parcours de personnalités lausannoises», égrène encore Florence Germond.

Pas question en revanche de débaptiser des rues existantes, un parti-pris que déplorent nombre de personnalités lausannoises.

«Je salue le volontarisme et la pugnacité de Lausanne qui fait beaucoup en ce domaine et attribue des noms de personnalités féminines à de nouvelles rues comme par exemple aux Plaines-du-Loup, commente ainsi Martine Gagnebin présidente de l’association des droits des femmes section Vaud, mais qui tient à s’exprimer à «titre personnel». Pour moi, il ne faut pas débaptiser les rues portant des noms de personnalités. En revanche, les rues dont le nom fait référence à des pays, des arbres etc. pourraient sans souci être renommées».

Pas assez vite

D’autres souhaitent que cela aille plus loin: «Si on peut atteindre ce but en attribuant des noms de femmes aux nouvelles rues, dans les nouveaux quartiers, alors d’accord. Mais je doute que cela aille suffisamment vite, et si on n’y parvient pas, je n’ai aucun souci à ce que l’on débaptise des rues pour leur donner des noms de femmes, lance Céline Misiego, députée au Grand Conseil et très engagée dans le combat féministe. L’argument qui veut qu’en débaptisant une rue, on efface l’histoire ne tient pas la route, car l’histoire s’apprend principalement dans les livres.»

«C’est clair que si on veut avancer sur la question de l’égalité, on ne peut pas se contenter de la création de nouvelles rues pour leur attribuer des noms de femmes, renchérit le conseiller communal Xavier Company qui s’est beaucoup investi sur la question de la visibilité des femmes dans l’espace public. De deux choses l’une, soit on fractionne des rues pour en créer de nouvelles, et c’est tout à fait possible à Lausanne, soit on débaptise certaines rues pour rétablir l’égalité».

Et d’ajouter:«Débaptiser n’est jamais à prendre à la légère. Mais si je pense à la rue Louis Agassiz, nous devrions cesser de valoriser un homme qui a promu des idées racistes et baptiser la rue du nom d’une personnalité féminine, ça aurait tout son sens».