A Lausanne, la reconnaissance faciale inquiète déjà...

SURVEILLANCE • Cette technologie est riche en avantages comme en menaces pour les libertés individuelles. Les polices vaudoises ne l’utilisent pas (encore) même si la loi suisse reste peu restrictive en la matière.

«Le risque est que cette technologie s’immisce peu à peu dans nos vies»

Benoît Gaillard, conseiller communal lausannois

L’utilisation de la vidéosurveillance par reconnaissance faciale à des fins de surveillance est autorisée dans au moins 109 pays du monde. «Le risque est que cette technologie s’immisce peu à peu dans nos vies en Suisse et que tout le monde finisse par trouver cela normal sans qu’aucun véritable débat démocratique de fond ait été mené», dénonce le conseiller communal lausannois Benoît Gaillard. Elle permet d’identifier en un temps record et avec une certitude de parfois 99,63%, une personne, en direct ou a posteriori. Et ce en comparant automatiquement des images vidéo d’elle avec celles contenues, ainsi que des données biométriques, dans de gigantesques bases de données.

Utilisation lors d’enquêtes

«A Lausanne, la police n’utilise pas cette technique automatisée ni ne compte le faire», explique le municipal en charge de la sécurité et de l’économie Pierre-Antoine Hildbrand, pas plus que sa grande sœur de la police vaudoise. Laquelle utilise cependant la reconnaissance faciale depuis 2008 mais pas de manière automatisée ni dans l’espace public. «Nous le faisons dans le cadre d’enquêtes judiciaires avec l’aval du préposé à la protection des données. Nous comparons alors une image prélevée dans le cadre d’une infraction avec celles de suspects précédemment répertoriés dans une base de données de police», précise Jean-Christophe Sauterel, chef communication de la Police vaudoise dont les programmes ont été développés par l’école des sciences criminelles de Lausanne. Ses homologues des cantons d’Argovie, de Schaffhouse et de Saint-Gall ont également recours à de tels logiciels.

Vers une surveillance généralisée?

La législation suisse n’encadre pas explicitement la vidéosurveillance automatisée par reconnaissance faciale à des fins de surveillance, si ce n’est indirectement via la loi fédérale sur la protection des données. Cet état de fait inquiète Benoît Gaillard. Le socialiste a déposé mi-novembre un postulat visant à «prévenir le déploiement des technologies de reconnaissance faciale à Lausanne» sur le domaine public mais aussi dans des lieux privés tels que gares, stades, patinoires ou tous lieux subventionnés par la Ville. Le Lausannois veut renforcer le règlement communal fixant les règles pour vidéosurveiller le domaine public en accord avec la loi vaudoise sur la protection des données. Ce texte permet à ce jour de filmer à titre dissuasif une trentaine de lieux à Lausanne.

Premier pas alarmant

Amnesty international, AlgorithmWatch et Société Numérique ont lancé le 18 novembre avec l’élu socialiste une pétition exigeant «l’interdiction de la reconnaissance faciale automatisée et de la surveillance biométrique de masse en Suisse». Erik Schönenberger, directeur de Société Numérique voit dans la reconnaissance faciale «un premier pas alarmant vers une surveillance de masse généralisée». Angela Müller d’AlgorithmWatch souligne que c’est une «violation de la sphère privée» susceptible d’empêcher les gens d’exprimer leur opinion» et donc «un danger pour la démocratie».

Décourager les abus

Cette technologie, inventée dans les années 70, est désormais au point. En 2020, elle a généré mondialement plus de 4,2 milliards de francs et l’institut Marketsandmarkets estime que, dans cinq ans, ce chiffre atteindra 9,4 milliards! L’ancien policier et conseiller national UDC Yvan Perrin, aujourd’hui consultant en sécurité, voit dans la reconnaissance faciale un outil très efficace qui devrait pouvoir être utilisé dans le cadre d’enquêtes pénales sur autorisation d’un procureur comme c’est le cas pour les écoutes téléphoniques ou les perquisitions. «La loi a toujours du retard sur la technologie, souligne celui qui est aussi secrétaire général de l’UDC Genève. Le législateur va devoir mettre le curseur au bon endroit pour à la fois décourager les abus à la Big brother et favoriser la sécurité notamment dans les cas de terrorisme ou d’enlèvement d’enfants…» Bon courage à lui!