Le rêve de devenir propriétaire s'éloigne pour les familles

IMMOBILIER • A cause de la flambée des prix, acheter un appartement ou une maison dans l’agglomération lausannoise relève du parcours du combattant. Mais les professionnels du secteur l’assurent, des solutions existent.

«Les projets neufs représentent de belles opportunités si l’on considère l’ouest lausannois»

Luca Tagliaboschi, directeur général de Cardis Sotheby’s

Un quatre pièces de 120 m2 à l’Avenue de Vallombreuse? 1,4 million. Compter 2,1 millions pour une maison de 145 m2 à rénover dans le quartier de Vidy. Et 4,4 millions pour une bâtisse de 250 m2 sur la colline du Languedoc. Des prix qui démontrent la flambée du marché immobilier lausannois depuis le début de la pandémie. Un effet Covid qui s’explique facilement: les divers semi-confinements ont donné des envies d’espace aux citoyens, qu’il s’agisse d’un jardin ou d’une pièce supplémentaire pour télétravailler. Mais ce n’est pas la seule explication selon Frédéric Dovat, secrétaire général au sein de l’USPI Vaud: «La Ville de Lausanne freine passablement de projets de construction. En s’opposant, par exemple, à la surélévation des bâtiments sous prétexte que cela nuit à l’harmonie du quartier. Ainsi, l’offre de logements est insuffisante par rapport à la demande, ce qui contribue à la hausse des prix.»

Forte attractivité

Cette difficulté à obtenir des permis de construire, Laurent Pannatier la rencontre au quotidien. Le directeur de l’agence lausannoise Proximmo rappelle également que la capitale vaudoise jouit d’une fort attractivité: «Lausanne est reconnue pour sa qualité de vie, sa situation géographique centrale en Romandie et son économie propice à l’emploi.» Pour une famille de la classe moyenne, le rêve de devenir propriétaire est-il encore réaliste? «Oui, bien entendu. Le marché immobilier lausannois est très disparate. Il existe plusieurs centres. On peut encore trouver des 4,5 pièces neufs entre 835’000 et 900’000 francs.» Un avis partagé par Luca Tagliaboschi, directeur général de Cardis Sotheby’s: «Les projets neufs représentent de belles opportunités si l’on considère l’ouest lausannois, par exemple. La difficulté pour une famille «moyenne» ou pour un couple avec deux revenus se trouve dans la capacité à obtenir un crédit. Les revenus sont souvent suffisants, mais là où le bât blesse, ce sont les fonds propres de départ.»

Autre motif d’inquiétude, si les prix des maisons et appartements continuent de grimper à Lausanne, le marché se tend encore davantage dans les communes de l’est lausannois. A Pully, par exemple, le quartier très prisé de Chamblandes atteint des sommets avec des appartements négociés à près de 20’000 francs le mètre carré. Soit un tarif aussi élevé que certaines rues de l’arrondissement de Manhattan à New York.

Utopie

Une hérésie? Aucunement selon Frédéric Dovat: «Il s’agit de biens d’exception qui répondent à un marché de niche qui a toujours existé.» Laurent Pannatier confirme: «L’attrait est justifié pour ce quartier. Le marché est le reflet des attentes entre les vendeurs et les acheteurs, il est donc parfaitement sain.» Reste qu’avec la hausse continue des prix, l’accès à la propriété se transforme toujours plus en utopie pour les familles. Selon l’Office fédéral du logement, ce sont principalement les personnes seules, les couples sans enfants et les personnes âgées qui parviennent à concrétiser leur rêve…

Trois questions à Olivier Feller, directeur de la Chambre vaudoise immobilière (CVI)

Les prix de l’immobilier atteignent des sommets à Lausanne, vous pensez que cette tendance va se poursuivre?
Olivier Feller: L’intérêt pour l’accession à la propriété s’est accentué lors de la première vague pandémique. Cela a entraîné, en automne 2020, une hausse marquée du nombre de transactions immobilières à Lausanne. Le stock de logements destinés à la vente s’est rétréci, ce qui explique le niveau actuel des prix. Mais cela pourrait changer.

S’offrir un appartement à Lausanne quand on fait partie de la classe moyenne, c’est devenu un rêve impossible?
Depuis l’éclatement de la crise du Covid-19, l’envie de vivre en-dehors des centres urbains s’est développée. A terme, le marché des logements en propriété devrait donc se détendre à Lausanne. Cela étant, les freins à l’achat d’un logement par les ménages de la classe moyenne restent nombreux, à Lausanne comme ailleurs, ce que je déplore. Ce sont les exigences en matière de fonds propres qui semblent constituer le principal écueil.

La classe moyenne qui se voit contrainte de partir hors de Lausanne pour devenir propriétaire, cela peut être un problème à terme? Notamment en matière de mobilité?
Si la crise a provoqué un intérêt accru pour la vie à la campagne, elle a aussi donné un nouvel élan au télétravail, ce qui devrait conduire à une diminution du nombre de déplacements entre les lieux de domicile et de travail. Je ne suis donc pas très inquiet.

«Tant que la pierre roule...», l'éditorial de Fabio Bonavita

C’est bien connu, «quand le bâtiment va, tout va». Cette formule du maçon français Martin Nadaud date du 19e siècle. Elle fait pourtant toujours office de vérité absolue. Et qui dit construction, dit immobilier. Depuis quelques mois, le marché atteint des sommets dans la région lausannoise. Profitant d’une forte hausse de la demande liée à la pandémie (lire ci-contre). Mais cet état de grâce est-il durable?

Chez les spécialistes de la pierre, on répond en chœur qu’aucun renversement de tendance ne se profile à l’horizon. A condition que les taux hypothécaires restent bas, que la conjoncture se maintienne et que la sortie de la crise sanitaire ne se traduise pas par des vagues de licenciements.

Cela fait tout de même beaucoup de conditions. D’autant que si l’on jette un coup d’œil dans le rétroviseur, on remarque que les évolutions peuvent être brutales. A la fin des années 80, les experts immobiliers affirmaient que le marché était au beau fixe et que les oiseaux de mauvais augure se trompaient lourdement. Quelques années plus tard, le krach se produisait avec des baisses de valeur des biens pouvant parfois atteindre 40%. L’histoire ne se répète pas toujours, mais quand cela se produit, c’est souvent très douloureux…