«C’est un métier marqué par une très grande précarité» Aristides Pedraza, Syndicat Sud
Elles sont un peu plus de 800 et leur nombre ne cesse de croître. Elles, parce que ce métier est dans l’immense majorité des cas, féminin. 800 assistantes à l’intégration dont le rôle est à l’école et tout au long de la journée, d’accompagner les enfants qui ont des besoins particuliers: problèmes de scolarité ou de handicap, difficultés médicales ou psychiques et même, plus récemment, des enfants ukrainiens qui ne maîtrisaient pas un mot de français. Il suffit d’ailleurs de lire le détail de leur cahier des charges officiel, établi par l’Etat de Vaud, pour comprendre l’importance croissante de leur rôle, consacré d’ailleurs officiellement par la mise en place par la Direction Générale de l'Enseignement Obligatoire du Canton de Vaud, du Concept 360, qui vise à l’instauration d’une école inclusive.
Classe 5 de l’échelle salariale
Incontournables, elles le sont donc désormais, au point qu’actuellement, quasiment toutes les classes du canton en comptent au moins une… Au quotidien, elles sont désormais toujours sur la brèche, sautant même parfois dans la même journée d’une école à l’autre, souvent à l’autre bout du canton, pour accompagner ces enfants spécifiques, secondant même les enseignants quand il le faut. Sur le papier enfin, elles émargent à la classe 5 de l’échelle salariale de l’Etat de Vaud, suite à une régularisation consentie par le Canton à partir du 1er janvier 2019, un pas considérable qui les avait enfin dotées d’un statut. Avec à la clé, selon leur stade de carrière, un salaire annuel qui varie entre 56'000 et 81'000 francs.
Sur le papier seulement, car en réalité, leur salaire est bien plus bas. «La réalité, c’est que notre salaire mensuel oscille entre 2500 et 3000 francs, témoigne l’une d’entre elles. Avec cela il est impossible de vivre correctement, d’autant que j’assure 28 périodes de travail pour suivre trois enfants dans trois écoles différentes.»
«Temps contraint»
«Il s’agit de ce que l’on appelle un temps contraint, tempête Aristides Pedraza du Syndicat Sud. Car pour une journée de travail complète – au sens scolaire du terme –, mais officiellement à mi-temps, elles finissent avec au maximum 3000 francs bruts, et ce sans avoir de temps matériel pour travailler ailleurs. C’est un métier marqué par une très grande précarité, dont l’Etat de Vaud qui a construit de toutes pièces un statut flexible et pervers qui ne reconnaît pas que ces assistantes font un véritable travail scolaire, porte la responsabilité.»
Pour comprendre cette précarité, il faut avoir à l’esprit que les assistantes à l’intégration ne sont pas des enseignantes et ne sont donc pas reconnues comme du personnel scolaire. Concrètement, si 30 périodes de cours pour un enseignant, sont considérées et rémunérées par l’Etat de Vaud comme un temps plein, une assistante à l’intégration, qui passera la même durée de temps avec les enfants, devra se contenter d’une rémunération à temps partiel. D’où les salaires très bas à la fin du mois.
«Cette catégorie de personnel ne fait pas partie du corps enseignant, en ce sens qu’il ne dispense pas de l’enseignement et qu’à ce titre, leur temps de travail ne saurait prendre en compte les parts de temps de travail librement et non librement géré tel que c’est le cas chez les enseignantes et enseignants, justifie Giancarlo Valceschini, directeur général de l’enseignement obligatoire et de la pédagogie spécialisée (DGEO). Le fait d’intervenir auprès des élèves sur temps scolaire ne constitue en effet pas un statut d’enseignante ou enseignant. Il en va de même pour d’autres fonctions qui s’exercent au sein de l’école, comme les psychologues, logopédistes éducateurs, etc.»
Si nombre de ces assistantes à l’intégration parviennent à vivre à la faveur du salaire apporté par le conjoint, d’autres ne s’en sortent tout simplement pas. Une mère de famille monoparentale par exemple ne parviendra pas à honorer ses factures, d’autant que le recours à l’aide sociale est impossible. «Les services d’aide sociale m’ont refusé tout soutien, témoigne une assistante. Car ils considèrent que je ne travaille qu’à 50% donc ils m’ont demandé de chercher un autre travail.»
«Pistes» explorées
Comment cependant trouver un autre travail lorsque les journées se terminent le plus souvent à 16 heures, que les plannings de travail varient d’une semaine à l’autre voire même d’un jour à l’autre?
Car le métier d’assistante à l’intégration implique d’être très flexible aussi bien en horaires qu’en lieux de travail, et ce alors même que leur contrat de travail ne prévoit pas de taux d’emploi fixe, mais des fourchettes modulables allant au maximum à 70% pour la même employée, selon les besoins à très court terme de chaque institution scolaire.
Sans vouloir entrer dans les détails, la DGEO affirme «être actuellement en train d’explorer différentes pistes» pour améliorer les conditions de travail des assistantes scolaires.