«Les multinationales doivent assumer leurs responsabilités»

Vous soutenez cette initiative. Or finalement, très peu d’entreprises sont concernées. Cela en vaut-il la peine?
Yves Christen: La plupart des entreprises travaillent consciencieusement et les quelques multinationales impliquées dans des violations des droits humains sont toujours les mêmes. Lorsque Glencore pollue des rivières au Congo et l’air en Zambie, que la multinationale suisse du ciment LafargeHolcim étouffe des habitants au Nigeria aux particules fines et que la bâloise Syngenta vend des pesticides toxiques depuis longtemps interdits chez nous, elles doivent en être tenues responsables. Il n’y a pas de raison qu’elles profitent d’un avantage concurrentiel sur nos PME qui doivent respecter de nombreux standards. Des règles contraignantes sont nécessaires afin qu’elles ne puissent plus fermer les yeux et assument leurs responsabilités.

L’initiative ne risque-t-elle pas de provoquer un exode des entreprises à l’étranger?
Questionné à ce sujet sur les ondes de la RTS, le directeur de Nestlé, Paul Bulcke, n’a pas annoncé que sa multinationale quitterait la Suisse en cas d’acceptation de l’initiative. Glencore a déjà affirmé qu’elle ne partirait pas, d’autres multinationales également. Et ceci est confirmé par des observations en France, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et au Canada, où l’introduction de la possibilité pour les victimes de déposer une plainte n’a amené absolument aucun exode.

Pourquoi selon vous le contre-projet proposé par le Conseil fédéral est-il insuffisant?
Ce contre-projet n’est qu’un alibi, un tigre de papier. Il consiste à demander aux multinationales de publier un rapport de durabilité sur leur site internet une fois par an. Glencore, par exemple, le fait déjà. Croyez-vous vraiment que des multinationales peu scrupuleuses modifieront quoi que ce soit à leurs pratiques commerciales juste parce qu’elles doivent publier des brochures sur papier glacé?

Enfin, pourquoi un PLR historique comme vous, attaché à la libre entreprise et à la responsabilité individuelle, soutient-il ce texte?
Pour moi, liberté et responsabilité vont de pair. Au parlement, avant qu’elles ne soient torpillées par Economiesuisse, des règles contraignantes telles que celles demandées par l’initiative étaient aussi soutenues par des pans de l’économie dont la communauté d’intérêt du commerce de détail suisse, le Groupement des entreprises multinationales (GEM) et la Fédération des entreprises romandes (FER). Car elles le savent: la Suisse doit sa richesse à un ordre économique libre, qui nécessite un cadre juridique clair de la part de l’Etat. Il faut un signal fort en faveur d’une activité responsable, sans quoi la place économique suisse pourrait à l’avenir voir sa réputation se ternir.