Les nombreux bugs de la CAMAC sèment la zizanie

MISE à L’ENQUÊTE • Géolocalisations fantaisistes, panne informatique, système d’alerte incomplet, la  Centrale des autorisations en matière de construction accumule les bourdes. Au grand désespoir de ses utilisateurs. Pour l’Etat de Vaud, ces erreurs proviennent des communes.

  • Cette mise à l’enquête prévue au Sépey se retrouve géolocalisée … à Epalinges. PILIERPUBLIC

    Cette mise à l’enquête prévue au Sépey se retrouve géolocalisée … à Epalinges. PILIERPUBLIC

«Les erreurs de la CAMAC représentent un vrai problème pour les propriétaires immobiliers»

Guilhem Tardy, ingénieur EPFL et fondateur du site PilierPublic.com

Une mise à l’enquête géolocalisée à Epalinges alors qu’elle se situe au Sépey, à 35 kilomètres de là. Une autre prévue à Ecublens, mais placée au milieu du lac (!). Ces dernières semaines, Guilhem Tardy, ingénieur EPFL et fondateur du site PilierPublic.com, a relevé pas moins de huit erreurs diffusées par la Centrale des autorisations en matière de construction (CAMAC): «En plus, il s’agit uniquement des bourdes les plus flagrantes. C’est un vrai problème pour les propriétaires immobiliers, car 100 mètres d’erreur suffisent pour leur être dommageable. En effet, c’est la distance en deçà de laquelle une opposition dûment motivée sera prise en compte par les tribunaux!» Avant d’ajouter: «En plus des bugs, il y a aussi les fausses promesses. Alors que la CAMAC prétend informer ses utilisateurs des avis d’enquêtes situés dans un rayon de deux kilomètres, en réalité il faut comprendre deux kilomètres à l’intérieur des limites communales. Donc si vous habitez près d’une autre commune, la distance effectivement surveillée par le service d’alerte du site peut être inférieure à 100 mètres.»

La faute aux communes?

Contactée pour s’expliquer sur ces bugs à répétition, la Direction générale du territoire et du logement (DGTL), à laquelle la CAMAC est rattachée, se défend de toute maladresse: «Les problèmes de géolocalisation de certaines enquêtes publiques ont été détectés par la CAMAC et corrigés, une fois que les dossiers sont contrôlés. Nous vous précisons toutefois que la géolocalisation des enquêtes publiques incombe au mandataire et à la commune concernée. La CAMAC intervient suite à la publication dans la FAO et dans ACTIS pour contrôler les données, afin de pouvoir identifier les services cantonaux devant délivrer une autorisation. Si une erreur de géolocalisation est constatée, elle est corrigée et la commune en est informée. L’avis d’enquête peut être rectifié si la commune le juge utile.»

En d’autres termes, les communes vaudoises seraient les seules responsables de ces erreurs. Une explication qui ne convainc pas un agent immobilier lausannois qui a souhaité garder l’anonymat: «En tant que professionnel, ce qui compte pour moi c’est que les informations se trouvant sur le site de la CAMAC sont exactes. Les autorités cantonales doivent résoudre les problèmes récurrents. Car ces bugs durent depuis de nombreuses années et cela ne s’améliore pas avec le temps. C’est pénible!» Même son de cloche de la part de Guilhem Tardy: «Le problème est généralisé, il y a aussi eu une grosse panne de plus d’un mois du serveur sensé envoyé les alertes.»

Refonte en cours

Un agacement qui semble avoir porté ses fruits. En effet, la Direction générale du territoire et du logement assure que des améliorations seront prochainement apportées: «Nous avons initié la refonte du système d’information des permis de construire en intégrant différentes catégories d’acteurs de la procédure (propriétaires, mandataires, communes, services cantonaux et CAMAC). A terme, la plateforme sera remplacée afin de fournir aux différents usagers un outil de travail répondant aux ambitions de l’Etat en matière de cyberadministration et de numérisation des procédures.» De quoi apaiser la colère de certains utilisateurs?

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Un propriétaire peut-il se retourner contre l’Etat de Vaud à cause d’une erreur dans les veilles d’InfoCAMAC?

Non, car les conditions générales de l’abonnement InfoCAMAC comportent une clause d’exclusion de responsabilité. Légalement, ce qui fait foi, c’est la publication dans la feuille d’avis officielle ou sur les piliers publics de la commune. En cas de notification d’une décision à un particulier, c’est la date de réception de cette décision qui fait courir le délai légal.

Pour éviter les mauvaises surprises, comme un immeuble leur gâchant la vue, les propriétaires doivent donc rester très vigilants?

Oui, même si certaines communes vaudoises ont pour pratique de les avertir par voie postale si une mise à l’enquête concerne une parcelle voisine de la leur. Pour être parfaitement informé, il est dès lors recommandé de lire la feuille d’avis officielle et de s’abonner à des systèmes d’alerte, comme celui du site PilierPublic.com par exemple.

Il existe des différences cantonales?

Clairement. A Genève, c’est le Canton qui est compétent en matière de permis de construire et non les communes. Le Canton n’informe jamais les propriétaires directement des mises à l’enquête. Si ces derniers ne sont pas vigilants, notamment en s’organisant pour assurer une veille des publications dans la feuille d’avis officielle, ils peuvent ainsi rater un délai pour recourir et ne plus pouvoir s’opposer à une autorisation de construire sur une parcelle voisine.