Les paysans vaudois meurent dans l’indifférence

• Manque de reconnaissance, bureaucratie en hausse, coûts de production qui flambent, la situation des paysans vaudois est alarmante.

• Symptôme de cette réalité, le suicide des paysans est en hausse.

• Politiques et spécialistes de la branche tirent la sonnette d'alarme.

  • Les paysans vaudois se trouvent dans une situation alarmante. DR

    Les paysans vaudois se trouvent dans une situation alarmante. DR

«Quand on vend un litre d’eau minérale plus cher qu’un litre de lait, ce n’est plus décent.»

Francis Egger, responsable du département économie et politique au sein de l’Union Suisse des paysans

Les paysans vaudois sont-ils en passe de disparaître? Paul*, la cinquantaine bien avancée, en est convaincu, sa profession est quasiment condamnée: «Si on continue comme ça, je vais tout simplement arrêter. Mes collègues sont dans la même situation, certains sont à deux doigts de la dépression, les autres survivent tant bien que mal.» Luc Thomas, directeur de Prométerre, l’association vaudoise de promotion des métiers de la terre, confirme l’urgence de la situation: «Le mal a des causes multiples dont la plus importante est certainement la pression économique croissante que subissent les agriculteurs et donc la difficulté à tirer une rémunération correcte de leur travail. Cela est vécu comme un manque de reconnaissance.»

Suicides en hausse

Symptôme de cette réalité, le suicide des paysans est un sujet qui occupe le devant de la scène médiatique depuis quelques mois. En France, chaque jour, un agriculteur met fin à sa vie. En 2016, pour le seul canton de Vaud, ils étaient huit à se donner la mort. Etonnamment, aucuns chiffres officiels n’existent sur ce phénomène inquiétant en Suisse: «Nous ne disposons pas de statistiques sur les suicides, regrette Francis Egger, responsable du département économie et politique au sein de l’Union Suisse des paysans (photo en médaillon). Cependant, d’après les informations reçues, ils sont en augmentation, ce qui est très inquiétant.» Luc Thomas tient cependant à rester optimiste: «Le projet Sentinelle, initié et financé par le Département de l’économie et du sport, a pour but de prévenir de nouveaux suicides.

Inspirée d’un projet canadien, la démarche vise à renforcer la capacité des personnes (vétérinaire, comptable, vulgarisateur, contrôleurs, etc) régulièrement au contact des agriculteurs à identifier les situations problématiques, de façon à ce qu’un aumônier ou une autre personne qualifiée puisse en temps utile entrer en dialogue et offrir un appui à la personne en difficulté. Ce projet est une première en Suisse.»

Enjeux politiques

Pour les agriculteurs vaudois, une autre inquiétude se fait jour. Elle concerne les diverses attaques menées contre le soutien financier à leur profession. Contacté pour répondre à nos questions, le conseiller d’Etat vaudois Philippe Leuba n’y a pas donné suite. Cependant, le dernier rapport réalisé par le think tank libéral Avenir Suisse donne le ton: «D’énormes coûts économiques ainsi qu’une faible performance appellent à une réforme radicale de la politique agricole.»

Comme souvent, c’est le peuple qui aura le dernier mot. Cet automne, il se prononcera sur l’inscription de la sécurité alimentaire dans la constitution. Les citoyens pourront dire s’ils souhaitent une production diversifiée et durable de produits alimentaires indigènes. Et Francis Egger de conclure: «Quand on vend un litre d’eau minérale plus cher qu’un litre de lait, ce n’est plus décent.»

*nom d’emprunt connu de la rédaction

Le nombre des exploitations agricoles en baisse

Selon le dernier recensement de l’Office fédéral de la statistique (OFS), la Suisse comptait 53’232 exploitations agricoles en 2015, soit 814 de moins qu’une année auparavant. La surface agricole utile totale (1,05 million d’hectares) est restée stable alors que 155’200 emplois ont été recensés dans l’agriculture, soit une baisse de 2,3%. A noter que la baisse du nombre d’exploitations affecte particulièrement les petites et moyennes structures alors que les exploitations de plus de 30 hectares sont au contraire toujours plus nombreuses. Précisons enfin que près des deux tiers des emplois sont occupés par des hommes (63,6%). La famille reste le pilier de l’exploitation agricole en fournissant 79,6% de la main-d’œuvre. L’emploi à temps partiel, caractéristique de l’agriculture suisse, concerne plus d’une personne sur deux (55,1%). L’âge moyen des chefs d’exploitation a continué de croître pour atteindre 50,3 ans.