Les supermarchés... à fond la caisse!

  • Plébiscitées par le public, les caisses automatiques de «self check out » sont accusées de mettre en danger l’emploi peu qualifié.
  • Grandes enseignes et politiciens lausannois rejettent l’idée d’une taxation pour préserver les postes de travail et misent sur la reconversion.
  • Des employés de caisse continuent d’ailleurs à être formés dans le canton.

  •  Les caisses en libre service se multiplient dans le canton. dr

    Les caisses en libre service se multiplient dans le canton. dr

  • Des employés préposés à la caisse? Une image qui un jour appartiendra au passé? getty

    Des employés préposés à la caisse? Une image qui un jour appartiendra au passé? getty

«Il ne faut pas fétichiser le travail d’une caissière»

Pierre Conscience, solidaritéS Vaud

Pour les plus anciens d’entre nous, l’affaire a un goût de déjà vu, réminiscence de l’arrivée massive, il y a plus de 40 ans, des premiers distributeurs automatiques dans les banques. Cette fois, la numérisation et le self-service débarquent dans les grandes surfaces et tout un chacun a pu constater la multiplication des caisses automatiques dans les supermarchés du canton. Sur Vaud, Coop en compte déjà 33, Manor Lausanne 12, et Migros en a équipé 23 de ses magasins.

Et pour cause: en raison du gain de temps appréciable qu’elles permettent, les clients les plébiscitent de plus en plus, sans compter les économies engendrées pour les exploitants. «Les clients semblent très satisfaits, notre rapport hebdomadaire montre un taux de d’utilisation très positif» explique-t-on ainsi du côté de Manor, tandis que Ramon Gander, le porte-parole de Coop, relève que les «clients apprécient cette possibilité supplémentaire de payer leurs achats, surtout quand ils effectuent de petits achats».

Avantages

«Une partie de la clientèle en apprécie les avantages et a donc adopté ce système, confirme aussi Aurélie Murris, chargée de communication de Migros Vaud. La réaction dépend du moment dans la journée, du temps à disposition pour faire ses courses, du choix du point de vente ou encore du type d’achat prévu».

Evidemment, c’est sur le front de l’emploi que s’expriment les inquiétudes, au point qu’à Genève le député socialiste genevois Roger Deneys a proposé rien moins que de taxer chaque caisse à hauteur de... 10’000 francs mensuels», histoire de décourager leur utilisation.

«Le travail à la caisse représente une activité idéale pour de jeunes étudiants ou pour des femmes d’un certain âge peu formées, commente un expert du marché du travail. Nul doute que la multiplication des caisses automatiques va inévitablement diminuer l’offre d’emplois peu qualifiés et/ou à temps partiel» .

Les grands détaillants, de leur côté, balayent évidemment d’un revers de main toute tentative de taxation, au nom «d’une inacceptable distorsion de la concurrence, alors que les commerces équipés de caisses automatiques demeurent «de grands pourvoyeurs d’emplois». Manor observe ainsi que ce projet concerne «uniquement le commerce de détail alors qu’il existe divers autres domaines dans lesquels des automates sont utilisés au quotidien, banque, billets de transports publics ou distributeurs de snacks», sans subir la moindre taxation.

«Idée farfelue»

A Lausanne, l’idée d’une taxe sur les caisses ne fait pas du tout l’unanimité. Même l’extrême-gauche trouve l’idée «farfelue»: «Il faut bien sûr préserver les emplois, explique Pierre Conscience de solidaritéS. Mais sans cependant fétichiser le travail d’une caissière et il existe suffisamment de témoignages montrant l’aspect répétitif et peu intéressant de la tâche. Afin de permettre au progrès technique d’être profitable à toutes et tous, nous nous prononçons donc pour un partage du temps de travail, et proposons que chaque heure de travail «économisée» par l’employeur grâce aux automates soit déduite du temps de travail, sans réduction aucune de la masse salariale».

Libérer les humains

«L’automatisation, cela peut aussi libérer les êtres humains de tâches manuelles, répétitives, pénibles, renchérit le socialiste Benoît Gaillard. Par contre, si les caisses automatiques permettent d’augmenter les marges des grands distributeurs, alors ceux-ci devraient payer davantage d’impôt sur le bénéfice, qui est un impôt proportionnel et qui finance ensuite des prestations publiques pour tous. Si une taxe devait être instaurée, il serait intelligent de l’affecter, justement, à des mesures de formation continue pour les vendeuses et vendeurs.»

«La seule taxation n’est pas une solution à long terme, même si l’idée de taxer les machines pour pallier aux pertes qu’elles amènent aux assurances sociales est une piste qui doit être étudiée, ajoute Alberto Mocchi, président des Verts vaudois, qui lui aussi met l’accent sur la reconversion professionnelle des personnes dont les emplois seraient menacés.

Pour l’heure et à court terme en tout cas, la messe ne semble pas encore totalement dite, puisque Coop annonce son souhait d’«étendre modérément le système Passabene Self-Checkout dans les supermarchés qui s’y prêtent à cause de leur emplacement», ce qui laisse encore la part belle aux employés de caisse traditionnels.

Migros, quant à elle, entend continuer à former du personnel de caisse afin de maintenir les deux services. «Notre coopérative prévoit de poursuivre le déploiement (des caisses automatiques ndlr) au sein du réseau de vente, ceci en maintenant de toute façon le service de la caisse traditionnelle en parallèle».