Plus réactives durant la pandémie, les écoles privées lausannoises cartonnent

ENSEIGNEMENT • Plusieurs établissements privés affichent des effectifs en hausse pour la prochaine rentrée scolaire. Une tendance qui s’explique notamment par leur capacité à placer l’éducation numérique au cœur de leur enseignement. Mais pas seulement…

  • Après plusieurs années de baisse, les effectifs des écoles privées repartent à la hausse. 123RF

    Après plusieurs années de baisse, les effectifs des écoles privées repartent à la hausse. 123RF

«La pandémie a mis en lumière la capacité du privé à gérer l’enseignement à distance» Jean-Louis Dubler, président de l’AVDEP

Les écoles privées lausannoises, et plus généralement vaudoises, connaissent depuis quelques mois un boum de la demande. Une tendance confirmée par Philippe Du Pasquier, président de l’Ecole Lémania: «Pour notre établissement, les effectifs de plusieurs formations seront effectivement en progression à la rentrée prochaine.» Philippe De Korodi, directeur général du Collège Champittet, partage le même constat: «Les écoles privées devraient faire, dans leur majorité, une bonne rentrée en août prochain.»

Une bonne rentrée qui s’explique en grande partie par le bouleversement provoqué par deux années de pandémie selon Jean-Louis Dubler, président de l’Association vaudoise des écoles privées (AVDEP): «La pandémie a eu un effet accélérateur important. Elle a mis en lumière la capacité du privé à gérer l’enseignement à distance et son avance considérable dans l’enseignement numérique.»

A l’heure de la digitalisation galopante de nos sociétés, l’éducation aux nouvelles technologies s’impose toujours davantage comme un critère essentiel quand les parents doivent choisir l’établissement éducatif de leur enfant. Et même si l’école publique vaudoise clame depuis 2017 qu’elle a fait du digital l’une de ses priorités, la réalité est parfois bien différente. Avec des moyens plus limités et des enseignants moins spécialisés, il lui est forcément difficile de rivaliser avec le privé.

Dans le même temps, ce dernier continue de miser sur ses atouts historiques comme le rappelle Jean-Louis Dubler: «L’école privée offre une palette de prestations et d’approches qui séduit une clientèle qui, pour diverses raisons, ne trouve pas ce qu’elle recherche dans le public. Et cette idée du choix, et des besoins spécifiques, s’est accrue ces dernières années. Songeons, par exemple, aux élèves en difficulté parce qu’ils ont un haut potentiel, mais peu d’aptitudes à s’insérer dans le moule standardisé de l’enseignement “normal”.»

Compétences de demain

Ce qui motive aussi certaines familles à investir dans l’éducation privée de leurs enfants, outre l’initiation aux algorithmes et le suivi personnalisé, est à chercher du côté des aptitudes linguistiques, devenues déterminantes dans un CV: «Nos élèves apprennent l’anglais dès l’âge de trois ans, précise le directeur du Collège Champittet. Notre enseignement offre une ouverture internationale basée sur le multilinguisme. Le futur réside aussi dans la formation à des compétences fondamentales: le travail en équipe, le sens de l’initiative, la créativité, la pensée systémique, la responsabilité sociale et environnementale ainsi que la sensibilité culturelle. Nous devons former les leaders, dans le sens d’influenceurs, de demain pour agir et construire un monde décarbonisé, plus harmonieux socialement, en paix et centré sur des valeurs humaines.» Un programme ambitieux qui, de l’avis de l’ensemble de nos interlocuteurs, doit être mené en complémentarité avec l’enseignement public. Même s’il existe encore certains motifs de tension: «Nous trouvons regrettable que les familles qui mettent leurs enfants dans le privé ne puissent bénéficier d’aucune déduction fiscale, rappelle le président de l’AVDEP. C’est faire fi du fait que le Canton de Vaud économise 250 millions de francs par année grâce aux écoles privées. Ces dernières prenant en charge des élèves pour lesquels le public n’a pas besoin de débourser des investissements.»

Un impact économique important

Selon une étude commandée par l’AVDEP et réalisée par le cabinet d’expertise comptable KPMG auprès de 40 établissements, l'apport économique annuel des écoles privées vaudoises atteint près de 1,5 milliard de francs. L'enseignement de niveau tertiaire (604 millions) et de scolarité obligatoire (518 millions) dominent cet apport. Suivent les écoles de formations générale (260 millions) et professionnelles (42 millions). A noter enfin qu'à travers les impôts des collaborateurs des différentes écoles privées du canton ainsi que ceux payés par les écoles elles-mêmes, les rentrées fiscales cantonales et communales liées aux écoles privées atteignent 50 millions de francs par an.

Education numérique: la fin des belles promesses. L'éditorial de Fabio Bonavita

Lundi prochain, le 22 août, les élèves vaudois seront de retour sur les bancs d’école. Cette rentrée revêtira une importance particulière. Pas tant en raison de la situation sanitaire, les fermetures liées au Covid semblant appartenir au passé, mais plutôt en ce qui concerne l’enjeu majeur de l’enseignement public: l’éducation numérique. Cette dernière consiste à former les élèves aux compétences clés de demain. Non pas en remplaçant le bloc-notes par des tablettes destinées à accomplir des tâches élémentaires, les enfants s’y adonnent souvent déjà à la maison, mais pour adapter la formation aux mutations profondes de nos sociétés.

Frédéric Borloz, chef du département de l'enseignement depuis le 1er juillet, l’avait annoncé durant sa course au Conseil d’Etat: «l’école ne peut passer à côté de l’enseignement numérique.» Répétant peu ou prou ce que martelait déjà sa prédécesseur, Cesla Amarelle. Aux manettes, le nouveau patron de l’école vaudoise aura-t-il la détermination nécessaire pour changer de cap? Le défi semble ardu tant la résistance est forte chez les enseignants. Ces derniers considèrent encore trop souvent qu’un enfant n’apprend pas mieux à travers une tablette, cette technologie leur serait même néfaste car elle augmenterait leur addiction aux écrans.

Là réside tout le décalage entre le public et le privé (lire en page 3). Alors que dans le premier, la technologie est vue comme un simple support, dans le second on forme les codeurs de demain en les initiant aux algorithmes. Au vu des moyens colossaux consacrés à l’école vaudoise, environ trois milliards en 2022, Frédéric Borloz a le devoir de tenir sa promesse de campagne. Quitte à se mettre à dos une partie du corps enseignant...