Royal Savoy, 5 étoiles et au moins deux faillites

  • Au moins deux petites entreprises locales ont aujourd’hui fait faillite suite à des travaux impayés réalisés durant le chantier du Royal Savoy. 
  • Inauguré en 2015, l’hôtel est toujours sous le coup de nombreuses poursuites bien que la direction avait promis de les régulariser en mars 2016. 
  • Cet hôtel a été financé par un fond qatari géré depuis Zug par l’imposant groupe Bürgenstock Selection, notamment propriétaire du Schweizerhof de Berne. 

  • Le Royal Savoy, un chantier qui connaît de nombreuses péripéties. verissimo

    Le Royal Savoy, un chantier qui connaît de nombreuses péripéties. verissimo

«Royal Savoy! On ne veut plus jamais en entendre parler ici!»

Une PME de construction à Lausanne

C’est désormais de notoriété publique, le chantier du luxueux Royal Savoy à Lausanne a été particulièrement compliqué. En observant les retards, les directions de chantier licenciées à plusieurs reprises, les poursuites déposées, tout indique que les conditions de travail étaient inhabituelles.

Sur le papier, tout semblait pourtant très réjouissant. Un fond qatari qui rachète un bâtiment somptueux et le rénove entièrement, cela sonnait comme une intéressante opportunité pour l’économie locale. Avec le recul des années, il en aura été tout autrement. « Je suis prêt à faire une bêtise, c’est scandaleux! Tous les efforts et les talents qui ont été mis dans mon entreprise ont été anéantis par ces gens», assène froidement José (Prénom fictif, identité connue de la rédaction) au téléphone. Il vient d’avoir la confirmation que sa société de rénovation, reconnue dans le petit milieu depuis 2013, était mise en faillite. Ceci, suite à un impayé important découlant des travaux réalisés au Royal Savoy.

Douche froide

C’est la douche froide pour cet entrepreneur lausannois qui avait bien senti que les travaux prenaient une tournure particulière mais qui voulait encore faire confiance: «Durant le chantier, on nous a rappelés plusieurs fois pour détruire ce que l’on avait déjà fait à cause de problèmes de coordination. Parfois, on nous demandait d’effectuer des travaux qui donnaient simplement l’impression que le chantier avançait alors que cela n’avait aucun sens. On travaillait sur la confiance, ils l’ont trahie».

Une désorganisation attestée par de nombreux professionnels de la branche. «Royal Savoy! On ne veut plus jamais en entendre parler ici!», nous souffle une secrétaire d’une PME de construction. «Heureusement que nous avons des centaines de milliers de francs de côté et de bons avocats», détaille le directeur d’une autre entreprise présente sur le chantier, et qui souhaite lui aussi rester anonyme. Un choix qui se comprend aisément à la lumière des révélations faites par d’autres acteurs qui rapportent des avertissements explicites formulés à l’encontre de certaines personnes se plaignant du non-paiement de leurs factures. Si tout cela était rendu public, des dommages et intérêts astronomiques auraient pu être réclamés.

Désastre économique

Certaines entreprises romandes ont-elles pêché par cupidité en considérant que ce chantier commandité par des Qatari était une opportunité pour travailler à d’autres tarifs ou avec moins de soin? C’est ce que les juges doivent maintenant déterminer dans le cadre des plusieurs millions de poursuites qui resteraient ouvertes contre le Royal Savoy. Quoi qu’il en soit, cela aura été un coup dur pour l’économie lausannoise de la construction. Les petites entreprises, comme celle de José, ont carrément dû fermer boutique laissant des employés au chômage.

D’autres, de taille plus conséquente, ont lourdement été affectées sur leurs bénéfices ou leurs réserves. De quoi considérer différemment un établissement de la sorte, régulièrement présenté comme une opportunité pour la région. D’ailleurs, il se pourrait bien que les entreprises de construction soient plus frileuses concernant l’actuelle construction d’un hôtel à Lucerne, financé par le même fonds qatari.

Silence gêné

Et qu’en est-il des réactions du Royal Savoy? Contacté par nos soins depuis plus de trois semaines, la direction actuelle explique ne pas être au courant de ce qu’il s’est passé durant les travaux et renvoie vers une boîte de communication lucernoise. Cette dernière botte en touche avec un e-mail laconique affirmant qu’aucun commentaire ne sera fait. En clair, l’hôtel craint pour son image auprès de la clientèle locale mais joue sur le temps et l’oubli.

Malgré les faillites, quelques années de chômage pour certains et de nombreuses désillusions pour d’autres, reste à espérer que peut-être les Lausannois parviendront-ils à considérer un jour cet hôtel comme une chance et non comme une victoire de la finance internationale sur le dos de l’économie locale.