Site de «La Vaudaire»: un avenir sous fond de polémique

  • L’avenir du site de «La Vaudaire» à Vidy, inactif depuis 2013 à la suite d’un incendie, fait l’objet de convoitises et crée la polémique.
  • Deux repreneurs potentiels se font face avec la Ville comme arbitre qui détient un droit de préemption sur le terrain qui l’abrite.
  • Problème: son propriétaire actuel bénéficie d’un droit distinct et permanent de superficie jusqu’en... 2055!

  • La Vaudaire est à l’état de ruine depuis 2013. VERISSIMO

    La Vaudaire est à l’état de ruine depuis 2013. VERISSIMO

«Il est inadmissible de prendre ainsi les Lausannoises et les Lausannois en otage. Le bord du lac est un endroit qui permet de sociabiliser les habitants de la ville. Tout particulièrement du côté de Vidy. Il mérite un projet fédérateur et non l’implantation d’un nouvel établissement destiné uniquement à une clientèle aisée!». Près d’une année après avoir créé La Casa Luna, une association dont l’un des buts vise à redonner vie au site de La Vaudaire détruit par un incendie en 2013, Bernard Decrey ne décolère pas. «Nous revendiquons toujours le fait que l’avenir de ce site unique, situé sur les terrains de la Ville de Lausanne entre le siège du Comité international olympique et les rives du lac, soit envisagé avec des propositions de projets concrètes. Depuis l’automne dernier, rien ne bouge. Il est temps que ça change!»

Un projet à caractère social

Un projet concret et chiffré, lui en tous cas en a un. Un projet qu’il a peaufiné durant de nombreuses semaines avec le comité de son association et qu’il a fait parvenir à la Ville en début d’année. «C’est un projet qui répond aux défis actuels de toute agglomération, avec la création d’espaces publics, de détente, de rencontre, de socialisation, de bien-être et de culture, résume Bernard Decrey. Un projet qui permettrait la création d’une trentaine d’emplois à temps plein et partiel ainsi que la création de programmes de réinsertion et de lutte contre l’isolement social.»

Plus concrètement, celui-ci comprend un restaurant de plage «avec terrasse ouverte toute l’année avec des prix accessibles à toute la population», un restaurant privatif avec terrasse modulable, un point de vente à l’emporter, une scène modulable pour des activités culturelles, un espace détente consacré au bien-être, ou encore, selon les jours de la semaine, un café «parents-enfants» ou un «café seniors». Le tout serait financé par un partenariat public-privé basé notamment sur le crowdfunding. «Notre modèle d’inspiration, ce sont Les Bains des Pâquis, à Genève. Ces concepteurs sont au bénéfice d’une large expérience d’un espace associatif qui excelle depuis 30 ans. Ils ont accepté de parrainer notre projet».

Une attitude irresponsable

Seulement voilà! Bernard Decrey et La Casa Luna ne sont pas seuls sur le coup. L’automne dernier, Bernard Russi, patron du groupe BOAS, avait contacté le propriétaire de La Vaudaire, Christian Hirt, en lui faisant part de son souhait de racheter l’endroit. Dans la foulée, il avait également fait parvenir à la Ville un projet de nouveau bâtiment destiné à remplacer la ruine actuelle, concocté par le bureau Richter Dahl Rocha Associés. «Nous estimons que les documents d’achat signés avec Christian Hirt, le propriétaire des lieux, sont valables, même si la Ville semble dire le contraire. Ce dernier vient en tout cas de déposer un projet de rénovation de La Vaudaire. Il va être mis sous peu à l’enquête et des gabarits vont être posés prochainement.»

Et de s’en prendre au responsable de l’association La Casa Luna, Bernard Decrey: «Il alimente une polémique qui n’a pas lieu d’être. C’est un agitateur. Son attitude est irresponsable. Nous vivons dans un Etat de droit où on ne peut pas décider comme ça d’exproprier les gens en les accusant sans preuve de vouloir construire un établissement de luxe qui ne serait destiné uniquement qu’aux “bourges” ou à des gens fortunés. Ceux qui connaissent notre groupe et notre philosophie savent pertinemment que ce n’est pas le cas!»

Des propos confirmés

«Je peux confirmer que ce que vous a dit Bernard Russi au sujet de l’avenir du site de La Vaudaire est exact», avance pour sa part son propriétaire Christian Hirt. «Je travaille conjointement avec le groupe BOAS et j’ai effectivement déposé un projet de rénovation de mon établissement. Celui-ci arrivait du reste à son terme l’automne dernier quand le groupe m’avait fait une offre d’achat. Par respect pour lui et son directeur, et alors que la procédure est en cours, vous comprendrez que je n’en dise pas plus!»

Bref, la réhabilitation du site de La Vaudaire ne semble laisser personne indifférent et suscite toujours la polémique, ceci d’autant plus que la Ville, qui bénéficie du droit de préemption légale du superficiant en tant que propriétaire de la parcelle de base (lire l’interview ci-contre), ne semble pas prête, elle non plus, à lâcher le morceau. Une affaire à suivre!

Bernard Decrey présente son projet de réhabilitation du site ce mercredi 14 juin, dès 15h30, au Cazard, Pré-du-Marché 15 , à Lausanne, et samedi 17 juin, entre 14 h et 20h, sur le site de La Vaudaire - www.lacasaluna.ch

«Il existe différentes initiatives pour réhabiliter La Vaudaire»

Le 20 octobre dernier, la municipale Natacha Litzistorf, en charge du logement, de l’environnement et de l’architecture, soumettait le dossier de La Vaudaire à ses collègues. La Municipalité décidait alors de ne rien choisir et de lancer un concours d’idées par le biais d’un appel d’offres afin de permettre à toutes les créativités de se manifester. La municipale rappelle la position de la Ville quant à l’avenir de l’établissement et espère «qu’un projet puisse aboutir dans les meilleurs délais possibles au bénéfice des Lausannoises et des Lausannois.»

LC: Est-il exact que le site de «La Vaudaire» fait l’objet d’un droit distinct et permanent de superficie pour son propriétaire actuel?

NL: Oui, le restaurant de La Vaudaire appartient à un propriétaire privé qui est au bénéfice d’un droit distinct et permanent de superficie jusqu’en 2055. Toutefois, s’il peut être compréhensible qu’il faille un certain délai après un incendie pour rénover et remettre en activité une telle infrastructure, le temps écoulé depuis juin 2013 aurait dû permettre la réouverture du restaurant. Ainsi, la situation actuelle du site n’est pas admissible et est préjudiciable à la Commune et à sa population.

LC: Mais la Ville bénéficie d’un droit de préemption concernant sa superficie. Va-t-elle en faire usage?

NL: La Commune dispose effectivement du droit de préemption légale du superficiant, en tant que propriétaire de la parcelle de base, en cas de changement de bénéficiaire du droit distinct et permanent de superficie. Si cette situation se produit, la Municipalité n’exclut pas d’examiner l’hypothèse de faire valoir son droit de préemption.

LC: Est-il exact également que l’actuel propriétaire de La Vaudaire a déposé récemment un projet de rénovation et qu’une mise à l’enquête va être faite?

NL: Oui, des compléments à un dossier de demande de permis de construire déjà existant à la Commune depuis deux ans approximativement ont effectivement été adressés à la Municipalité en vue d’une enquête publique pour la réhabilitation du bâtiment.

LC: Cette décision signifie-t-elle que le projet défendu par l’association La Casa Luna est mort-né?

NL: Aujourd’hui, il y a différentes initiatives pour réhabiliter le restaurant de La Vaudaire et il faut espérer qu’un projet puisse aboutir dans les meilleurs délais possibles au bénéfice des Lausannoises et des Lausannois. La Municipalité sera attentive à ce que la situation actuelle évolue.