Sur les hauts de Lausanne, la route de tous les dangers

  • Avec plus de 400 camions par jour, la route de la Claie-aux-Moines agace les riverains.
  • Stressés, ils affirment ne plus pouvoir dormir et craignent pour la vie de leurs enfants
  • Du côté des autorités, on minimise la situation en promettant que... rien ne sera fait!

  •  Les autorités n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le nombre de camions ou autres véhicules utilitaires qui empruntent cette route quotidiennement. fb

    Les autorités n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le nombre de camions ou autres véhicules utilitaires qui empruntent cette route quotidiennement. fb

«Est-ce qu’on attend qu’il y ait un mort pour réagir?»

Maria, riveraine et maman de deux enfants

Il est presque midi ce lundi matin aux abords de la route de la Claie-aux-Moines. En moins d’une heure, 48 camions déboulent à toute vitesse sur ce secteur normalement limité à 60 km/h. Sans compter les voitures, les motos et les tracteurs. Derrière ses airs de paisible route de campagne, ce tronçon est un véritable cauchemar pour les habitants. Depuis qu’elle y a acheté un appartement en 2010, Maria*, maman de deux enfants, n’arrive ainsi tout simplement plus à dormir: «La semaine, le premier poids-lourd passe aux alentours de 6h05 et cela se poursuit jusqu’à 17h30. Je travaille à la maison en tant que graphiste mais impossible de me concentrer. J’ai dû acheter un casque Pamir qui est généralement utilisé par l’armée suisse. C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour m’isoler et ne pas devenir folle. Je vous assure que nous sommes nombreux dans cette situation, mais personne ne nous écoute.»

Alors que Maria décrit sa situation, deux autres habitants s’approchent et confirment en chœur: «C’est vrai qu’il est impossible de dormir normalement et de pouvoir ouvrir les fenêtres. Et nous n’allons jamais sur notre terrasse car comment se poser et lire un bouquin quand il y a un tel trafic? Les autorités ne peuvent pas faire disparaître ces camions qui viennent principalement de la zone industrielle de Savigny, mais elles pourraient au moins poser un revêtement phonoabsorbant pour limiter le bruit!»

Patate chaude

Problème, le tronçon de la Claie-aux-Moines fait partie du réseau de base. Ce qui implique une responsabilité partagée entre le canton de Vaud, la commune de Lausanne et celle de Savigny.

Au sein de cette dernière, le municipal en charge des routes, Gilbert Regamey, semble ignorer totalement la situation: «Il y a du trafic comme partout. Je ne sais pas combien de camions transitent chaque jour, mais je le concède, quand il y a des travaux sur l’autoroute, le trafic passe par là. Poser du revêtement phonoabsorbant pourrait être une solution, mais cela coûte cher et ce sont les autorités cantonales qui doivent décider.» Ce que réfute Nicole Schick, porte-parole au sein de la Direction générale de la mobilité et des routes du canton de Vaud: «Pour les riverains, il y a lieu de s’adresser au Service route et mobilité de la ville de Lausanne qui est propriétaire de l’infrastructure en traversée de localité. Et auprès de la commune de Savigny.»

Nous nous tournons donc vers Patrick Etournaud, chef du Service lausannois des routes et de la mobilité. Des mesures vont-elles être prises? On en est loin: «L’an dernier, nous avons reçu des plaintes liées au bruit que faisaient les camions en franchissant un passage pour piéton nouvellement réalisé. Ce passage a été rectifié depuis, et le bruit anormal a cessé. Nous n’avons pas reçu d’autres plaintes depuis, et il n’y a pas à notre connaissance de mesures de modération planifiées dans le secteur.»

Bataille de chiffres

L’autre difficulté consiste à établir un diagnostic. Pour cela, il faudrait que les chiffres correspondent entre la Ville et le canton. Ce qui n’est pas le cas. Pour Nicole Schick, il y aurait 7900 véhicules dont 250 à 300 camions par jour. Alors que Patrick Etournaud avance une autre estimation: 8800 véhicules pour 400 camions. Maria n’est pas étonnée: «Les autorités s’en fichent, car les élus et autres chefs de service n’habitent pas aux abords de cette route. Si c’était le cas, ils comprendraient l’enfer que nous subissons au quotidien. Je ne laisse plus mes enfants jouer sur la place de jeu de notre résidence car j’ai peur qu’ils aillent chercher un ballon sur la route et qu’un camion arrive. C’est extrêmement dangereux! Est-ce qu’on attend qu’il y ait un mort pour réagir?»

La situation semble donc bel et bien bloquée. Et elle pourrait même s’aggraver, car le trafic augmente chaque année de 1,2%. Pas de quoi donc apaiser le quotidien des riverains…

*nom connu de la rédaction

Une lutte nationale contre les nuisances sonores

En Suisse, plus de 1,6 million d’habitants seraient trop exposés au bruit du trafic. C’est l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) qui l’affirme. Pour y remédier, cantons et communes avaient jusqu’au 31 mars dernier pour améliorer la situation. Les personnes qui se sentent encore lésées peuvent désormais entamer des actions en justice contre les propriétaires d’ouvrages routiers, donc les collectivités publiques. La Ligue suisse contre le bruit est en train de constituer un collectif de plaignants afin de faire bouger les choses sur l’ensemble du territoire helvétique. En ce qui concerne le canton de Vaud, plus de 400 kilomètres de route doivent être assainis. Les moyens mis en œuvre sont multiples. Il y a d’abord la pose de revêtement phonoabsorbant, la réduction de la vitesse grâce aux zones 30 km/h ainsi que l’installation de parois anti-bruit.

Les cyclistes aussi...

La route de la Claie-aux-Moines et de Vers-chez-les-Blancs est un trançon fort fréquenté par les cyclistes qui l’emprunent souvent, à l’aller comme au retour d’une balade, pour rejoindre le centre sportif de Mauvernay, au Chalet-à-Gobet. Et la plupart de ceux que nous avons rencontrés dénoncent également sa dangerosité. «Le vrai danger, ce sont les nombreux camions ou autres véhicules utilitaires qui l’empruntent», note Pedro*, un habitué du coin. «La plupart roulent très vite et vous frôlent littéralement en vous dépassant.» Des propos confirmés par Richard*, autre cycliste habitué des lieux: «Contrairement à d’autres routes des environs, comme celles des Paysans, par exemple, où on ne croise quasiment jamais de camions, ce tronçon est effectivement dangereux en raison du comportement de certains conducteurs. J’essaie maintenant de l’éviter et ne l’emprunte que le samedi ou le dimanche, seuls jours durant lesquels il n’est pas envahi par les bahuts!»

* noms connus de la rédaction